LA PROMOTION de la santé est-elle soluble dans l’Éducation nationale ? Oui, « mais cela fond lentement, il faut longtemps tourner la cuillère », reconnaît Jean-Louis Michard, du ministère de l’Éducation. Il y avait foule jeudi et vendredi derniers à la Maison de la Mutualité. Les Journées de la prévention de l’INPES font toujours prendre beaucoup de trains à des personnes venant de toute la province. Et l’une des neuf sessions de cette 5 e édition, consacrée à l’éducation pour la santé en milieu scolaire, était introduite par Jean-Louis Michard, qui représente plus précisément le Groupe des sciences de la vie et de la terre à l’Inspection générale de l’Éducation nationale.
L’école du bien vivre.
L’école s’est réellement penchée sur l’éducation à la santé à partir de juillet 1973, avec la circulaire Fontanet, qui portait sur l’information et l’éducation sexuelle. Rappel sémantique : « Éducation » vient de « E du cere » : conduire en dehors. « Éduquer, c’est donc bien conduire un individu d’un système où il est contraint à un système où il est autonome. La notion d’éducation est donc inséparable de l’autonomie. » « Nous sommes passés au cours du temps de l’évitement des épidémies (telle était l’instruction morale et civique de l’école de Jules Ferry) au développement du sens de la responsabilité vis-à-vis de soi et des autres. »
En 1946, l’OMS définissait la santé comme un « état de complet bien-être physique, mental et social » et précisait qu’elle ne consistait pas seulement à l’évitement des maladies. L’école est devenue « l’école du bien vivre ». « L’idée était que si on voulait faire de l’éducation à la santé en milieu scolaire, il ne suffisait pas d’y organiser des séances d’éducation à la santé mais il fallait que toute l’école respire la santé. On a alors prêté attention à la façon dont les enfants sont accueillis le matin à 7 h 45, à comment ils sont remis à la vie normale après les cours, ce qu’ils mangent à la cantine… ».
Formation en option.
L’éducation à la santé en milieu scolaire rencontre plusieurs obstacles. « Il faut d’abord faire avec les représentations que les enseignants ont de toute nouvelle discipline, constate Denis Loizon, de l’IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) de Bourgogne. Et puis le problème vient parfois de la définition même qu’ils donnent de l’éducation à la santé, souvent très restreinte. Je ne les blâme pas. Moi-même, j’avais auparavant une vision essentiellement axée sur le biologique et pas du tout sur les compétences psychosociales à apporter. On a par ailleurs encore beaucoup de mal à travailler de manière transversale dans les établissements, sans connaissance du contenu des autres disciplines. » Pour Sylvie Ramis, du Comité d’éducation pour la santé des Landes, la formation initiale et continue des enseignants sur les signes de reconnaissance du mal-être de l’enfant, par exemple, est « optionnelle ou inexistante ». Elle relève également certaines incohérences. « Nous avons déjà vu des établissements se lancer dans un programme sur l’alimentation alors que les menus qu’ils proposaient à la cantine n’étaient pas équilibrés. Ou un autre qui voulait animer un programme sur le respect quand ce que nous avons entendu dans les couloirs entre professeurs et élèves nous laissait penser qu’il faudrait d’abord travailler avec les équipes… Il faut donc éviter les messages paradoxaux. »
Pour le Dr Marie-Madeleine Regin, médecin conseiller technique à l’Académie de la Marne, « cela doit être l’affaire de tous, au sein et à partir de la communauté éducative, sans oublier d’y associer la famille ».
Elle pointe ce qui à ses yeux peut faire obstruction. « Je pense que souvent les projets ne sont pas élaborés à partir d’un diagnostic des besoins des élèves. Et puis l’élaboration de ces projets doit être commune, au sein de la communauté scolaire, et ce n’est pas toujours le cas. Je constate que beaucoup de projets d’éducation à la santé sont livrés clefs en mains aux établissements. Et cela nous pose problème, car où est alors la communauté éducative ? Et enfin, on devrait pouvoir prévoir l’évaluation des objectifs. »
Un peu d’éthique.
Josette Morand est infirmière auprès du recteur d’Académie de Lyon, responsable de la formation des infirmières de son académie. « Il faut accompagner les nouveaux et nouvelles infirmières scolaires qui viennent d’un autre milieu. Car entrer dans l’Éducation nationale, c’est entrer dans un milieu bien spécifique ». À ce titre, les CESC (Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté, voir encadré) sont, d’après elle, « indispensables pour faire fonctionner cet accompagnement ».
Dans l’Académie de Reims, une charte d’intervention pour l’éducation à la sexualité a été signée, souligne le Dr Regin, afin de ne pas oublier l’éthique dans ces projets, de ne pas aborder l’intimité des personnes en toute impunité. « Le message que l’on adresse aux enfants sur l’alimentation, c’est "Cinq fruits et légumes par jour", ajoute Dominique Berger, responsable d’une formation de psychologie de l’enfant à l’IUFM de Saint-Étienne. On omet totalement que l’alimentation conditionne tout le rapport de l’enfant à sa famille. »
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