PAR LE Pr DOMINIQUE PRIÉ *
LA VITAMINE D, contrairement à ce que son nom indique, n’est pas une vitamine mais une hormone dont la forme active est le calcitriol ou 1,25 dihydroxy vitamine D. En effet, contrairement aux vitamines, la vitamine D peut être synthétisée par l’organisme au niveau de la peau à partir du cholestérol qui est converti en 7-dehydro cholestérol par les rayons UVB. Ce composé est ensuite transformé par le foie en 25 hydroxycholécalciférol encore appelé 25 hydroxyvitamine D3 ou calcidiol. Lorsque la 25 hydroxyvitamine D est synthétisée à partir du dérivé végétal l’ergocalciférol, on obtient de la 25 hydroxyvitamine D2. La quantité de calcidiol synthétisée est limitée par la production cutanée de cholécalciférol ou par les apports alimentaires en cholécalciférol ou en ergocalciférol qui sont généralement insuffisants. Le calcidiol circulant est lié à la vitamine D binding protein (VDBP). La concentration plasmatique en calcidiol est considérée comme un bon reflet de l’abondance des réserves en vitamine D de l’organisme. Actuellement, la majorité des auteurs recommande une concentration plasmatique de 25hydroxyvitamine D supérieure à 30ng/ml ou 75 nmol/L. Cette valeur est essentiellement basée sur la relation 25hydroxyvitamine D-PTH et 25hydroxyvitamine D-absorption digestive de calcium. Différentes études indiquent en effet que l’augmentation de la concentration plasmatique en 25hydroxyvitamine D entraîne une baisse de la concentration plasmatique de PTH et une augmentation de l’absorption digestive de calcium. Au-delà de 30ng/ml de 25hydroxyvitamine D, cette relation disparaît. La prise en compte d’autres critères ou d’autres facteurs (minéralisation osseuse, risque fracturaire, risque cardiovasculaire…) pourrait modifier la valeur seuil plasmatique de 25hydroxyvitamine D.
Le rein est le siège essentiel, mais non exclusif, de la conversion du calcidiol en 1,25 dihydroxyvitamine D ou calcitriol grâce à l’expression dans le tubule proximal de la 25 vitamine D-1 alpha-hydroxylase. L’activité de cette enzyme est stimulée par l’hormone parathyroïdienne (PTH), mais est fortement inhibée par une hormone synthétisée par les cellules osseuses le fibroblast growth factor 23 (FGF23). La concentration plasmatique de cette hormone s’élève précocement quand la fonction rénale s’altère et gène la conversion du calcidiol en calcitriol. De plus, le FGF23 stimule dans le tubule proximal rénal l’expression de la 24 hydroxylase (CYP24A1) qui inactive la 1,25 et la 25 hydroxy vitamine D par hydroxylation en position 24.
La grande majorité des sujets insuffisants rénaux a une concentration plasmatique en calcidiol inférieure à 30ng/ml quel que soit le stade de sévérité de la maladie rénale. Ce déficit est encore plus marqué au cours de la dialyse et persiste après transplantation rénale. Il s’explique par un défaut de synthèse cutanée des précurseurs, par un catabolisme accru et une perte urinaire de VDBP dans certaines glomérulopathies avec forte protéinurie. Le déficit en vitamine D est classiquement associé à une augmentation du risque de déminéralisation et de fractures osseuses, mais également à l’augmentation de la fréquence du diabète de type 1, de la sclérose en plaque, de maladies infectieuses (tuberculose), de différents cancers (prostate, colon, sein), de l’hypertension artérielle ou de l’insuffisance cardiaque. Il existe encore peu d’études interventionnelles montrant que la correction du déficit en vitamine D prévient ou diminue la survenue de ces pathologies. Plusieurs études ont toutefois montré que la supplémentation en vitamine D diminuait le risque de chute du sujet âgé et améliorait ses performances musculaires et cognitives, autant de fonctions qui sont fréquemment altérées chez l’insuffisant rénal.
Tous ces éléments incitent à maintenir une concentration plasmatique de 25 hydroxyvitamine D au dessus de 30ng/ml. Il est possible que cette valeur seuil soit insuffisante chez l’insuffisant rénale chez qui la capacité de synthèse du calcitriol est altérée. L’atteinte de cette valeur seuil nécessite l’utilisation d’une supplémentation pharmacologique. En effet les apports alimentaires en précurseur de la vitamine D sont toujours insuffisants. La vitamine D peut être apportée en France sous différentes formes suivant les préparation: cholécalciférol, ergocalciférol, 25 hydroxycholecalciférol. L’utilisation de formes hydroxylées en un alpha ne permet pas d’augmenter la concentration en 25 hydroxyvitamine D et donc des réserves. La prescription d’alfacalcidiol ou de calcitriol, en particulier chez les patients dialysés, ne doit pas empêcher de normaliser en parallèle la concentration de 25-hydroxyvitamine D. Le risque de surdosage avec les dérivés 25 hydroxylés ou leur précurseurs est faible.
La normalisation de la concentration en 25 hydroxyvitamine D nécessite généralement l’utilisation de « fortes » posologies de précurseurs chez l’insuffisant rénal. Les posologies de cholécalciférol qui permettent de normaliser la concentration en 25 hydroxyvitamine D chez 100 % des patients varient de 100 000 UI/ toutes les 2 semaines à 50 000 UI x 2/semaine.
Après normalisation, le maintien de la concentration en 25 hydroxyvitamine D requiert une posologie légèrement inférieure de l’ordre de 100 000UI/mois. Cette posologie doit être adaptée suivant les patients en fonction du résultat du dosage plasmatique de 25 hydroxyvitamine D. Lors de ces contrôles le clinicien doit s’assurer auprès du biologiste que le dosage utilisé reconnaît bien la forme de vitamine D, D2 ou D3, utilisée pour supplémenter le patient. L’augmentation des réserves en 25 hydroxyvitamine D s’accompagne généralement d’une augmentation de la concentration plasmatique en calcitriol. Il n’est toutefois pas nécessaire de recourir au dosage systématique de cette forme.
*Université Paris Descartes, Inserm U 845
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