Infections urinaires récidivantes

Des pistes en dehors des antibiotiques

Par
Publié le 17/12/2019
Article réservé aux abonnés
Que proposer en alternative aux antibiotiques dans les infections urinaires récidivantes? Les approches sont nombreuses, mais leur efficacité pas toujours bien démontrée de façon rigoureuse. De nouvelles stratégies sont à l'étude, notamment la transplantation fécale et la phagothérapie.
L'hyperhydratation est bénéfique chez les femmes ménopausées, avec plus de trois infections urinaires par an.

L'hyperhydratation est bénéfique chez les femmes ménopausées, avec plus de trois infections urinaires par an.
Crédit photo : Phanie

De nombreux traitements sont proposés en alternative à l'antibiothérapie dans les infections urinaires. « Leur efficacité reste toutefois mal connue, car leur évaluation a été faite généralement sur de petites cohortes, selon des modalités et dans des populations hétérogènes, et le plus souvent sans comparaison rigoureuse avec l'antibiothérapie ou entre elles, empêchant toute utilisation hiérarchisée », a indiqué le Dr Aurélien Dinh avant de passer en revue toutes ces approches.

Des alternatives en manque de preuves d'efficacité

Les mesures comportementales sont bien connues, mais l'impact réel des mictions non retenues, des douches et de l'hygiène est mal étudié. Le recours à la phytothérapie est très répandu. Les herbes médicinales ont été évaluées sur de petits échantillons, avec un fort risque de biais. La canneberge est probablement efficace, mais il y a une discordance entre la négativité d'une revue Cochrane et l'effet positif retrouvé dans plusieurs essais et une méta-analyse.

Les sept essais cliniques randomisés et la revue Cochrane qui se sont penchés sur l'impact des probiotiques n'ont pas mis en évidence d'effet significatif, mais les études étaient très hétérogènes. D'autres recherches doivent être menées avec en particulier Lactobacillus. Un essai avec le D-mannose a donné des résultats encourageants, la méthénamine fait l'objet d'un essai contrôlé. Une méta-analyse Cochrane a souligné un effet positif des œstrogènes. Les immunostimulants, non disponibles en France, se sont montrés efficaces dans des essais contrôlés de petite taille. Enfin, les vaccins et les études de compétition bactérienne semblent montrer un effet protecteur.  

Récemment, une étude menée chez des femmes ménopausées a souligné les bénéfices de l'hyperhydratation (plus de 1,5 litre d'eau par jour) chez celles qui présentaient plus de trois infections urinaires par an. Un autre travail, multicentrique, publié cette année a mis en évidence l'efficacité d'une association de canneberge et de propolis en prévention des récidives chez des femmes sujettes aux infections urinaires à répétition.

L'hypnothérapie représente une autre piste, selon les données préliminaires d'un travail de thèse ayant inclus 15 femmes souffrant de cystites récidivantes.

Transplantation fécale et phagothérapie

D'autres voies sont à l'étude, notamment la transplantation de microbiote fécal, proposée suite à une observation faite chez une femme de 83 ans qui avait bénéficié de cette stratégie pour une infection à Clostridium difficile réfractaire. Effet collatéral positif de ce traitement : l'arrêt des infections urinaires à répétition dont souffrait cette patiente depuis 25 ans. Après des résultats préliminaires encourageants rapportés chez 8 patients, deux essais cliniques ont été mis en place, dont l'un est encore en phase de recrutement. Il faut toutefois noter que la Food and drug administration a mis en garde, il y a quelques mois, sur le risque de transmission de bactéries multirésistantes par transplantation fécale.

La phagothérapie est une autre approche prometteuse. Il s'agit du recours à des virus bactériophages lytiques, qui sont spécifiques de chaque bactérie mais sont incapables d'infecter une cellule eucaryote. Ils relèvent d'une préparation magistrale, sous la responsabilité du pharmacien hospitalier et du médecin prescripteur. Les recherches dans les infections urinaires se poursuivent.

« En pratique, il n'y a pas une mais plusieurs solutions possibles et la stratégie doit être individualisée en fonction de la bactérie et du patient », a conclu le Dr Aurélien Dinh.

Hôpital Raymond-Poincaré, APHP Garches

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin