LES RECOMMANDATIONS édictées en 2002-2003 sous l’égide de la National Kidney Foundation ont représenté en leur temps une avancée considérable pour la prise en charge de la maladie rénale chronique. Pour la première fois, en effet, les praticiens ont disposé d’objectifs chiffrés qui ont permis de préciser les seuils d’interventions thérapeutiques. En matière de troubles minéraux et osseux, ce volumineux travail était apparu d’autant plus nécessaire que les possibilités de traitement se sont accrues avec la mise à disposition de nouveaux analogues de la vitamine D, de nouveaux chélateurs intestinaux du phosphate et l’apparition de la classe des calcimimétiques. Afin de « mondialiser » ces recommandations issues de la Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (KDOQI), l’organisation KDIGO (Kidney Disease : Improving Global Outcomes) a dans la foulée été mise en place, pilotée par une partie des experts américains et par la société internationale de néphrologie. Une première réunion a ainsi été consacrée, début 2005, à la définition, la classification et l’évaluation de la maladie rénale chronique en général. En septembre de cette même année, une deuxième rencontre a ensuite porté plus spécifiquement sur le métabolisme minéral et osseux. Le groupe de travail a, à cette occasion, défini de façon plus précise la maladie minérale et osseuse de la maladie rénale chronique qui correspond désormais à la présence d’une seule ou de plusieurs anomalies de type biologiques, histologique osseuse ou tissulaire (calcifications). Le terme d’ostéodystrophie rénale est quant à lui réservé uniquement à l’existence d’une atteinte osseuse histologique. Trois ateliers se sont respectivement intéressés à la définition des signes histologiques, aux variables biologiques et à l’apport de l’imagerie osseuse et vasculaire.
Mais si KDIGO a certainement permis de mieux préciser le cadre des troubles minéraux et osseux ainsi qu’une déclinaison, pour de nombreux pays, des recommandations américaines, il n’a pas alors été envisagé de réviser les objectifs thérapeutiques initiaux. Ce n’est que plus récemment que le comité de pilotage de KDIGO s’est remis au travail pour réexaminer leur validité.
Or il est apparu, à la lumière de cette seconde lecture, que la plupart des recommandations de KDOQI s’appuyait sur des résultats d’études non contrôlées ou des simples avis experts qui ont donc été considérées comme non suffisamment pertinents.
Comme l’explique le Pr Pascal Houillier, l’un des experts français ayant participé à ce projet, « les premières recommandations de 2002-2003 ont certainement changé les pratiques en attirant l’attention sur les troubles de la minéralisation de la maladie rénale chronique et leurs conséquences. Ce d’autant que, parallèlement, plusieurs études ont mis en évidence une association entre les anomalies du métabolisme minéral et la morbi-mortalité cardio-vasculaire. En France, nous disposons également d’une base de données issue de l’observatoire de la population des dialysés (Photograph®) dans laquelle les caractéristiques biologiques des patients sont colligées. Mais ces recommandations, qui avaient offert aux praticiens, pour un temps, un indiscutable confort en matière de prise en charge des troubles minéraux et osseux sont aujourd’hui considérées comme non suffisamment étayées par des études contrôlées et randomisées de qualité : sur les 14 000 articles analysés, plus de 90 % ont finalement été jugés comme non contributifs ». D’où un relatif recul et un certain flou dans les stratégies maintenant proposées. Pour exemple, au stade 5 de la maladie rénale chronique, la National Kidney Foundation recommandait que la concentration de parathormone soit comprise entre 150 et 300 pg/ml. Mais, les experts de KDIGOrecommandent aujourd’hui que la concentration de PTH soit situé entre deux et neuf fois la limite supérieure de la normale du kit utilisé…
En quête d’informations. À cela plusieurs raisons. D’une part, le système de dosage utilisé dans les études sur lesquelles s’appuyaient les premières recommandations n’a plus cours et il existe aujourd’hui de nombreux kits de mesure disponibles ; d’autre part, ces études étaient pour la plupart non contrôlées. « En 2006, nous avons comparé 15 kits de dosage de la parathormone : nous avons trouvé une variation des résultats allant du simple au quadruple pour le même échantillon », précise à cet égard le Pr Pascal Houillier qui ajoute que « à l’heure actuelle, les recommandations sont finalement redevenues qualitatives, en attendant que l’on puisse disposer de résultats d’études pouvant permettre de mieux codifier les seuils d’intervention thérapeutique ». Il faut de plus ajouter que, parmi les reproches faits aux essais antérieurs, figurait l’absence de critères d’évaluation pertinents reposant sur des événements « durs », comme la mortalité, les événements cardio-vasculaires graves. Dans un sens, les insuffisances révélées par ce nouvel éclairage de KDIGO ont aussi eu le mérite de donner des directions aux futurs travaux prévus dans le domaine du métabolisme minéral de la maladie rénale chronique.
D’après un entretien avec le Pr Pascal Houillier, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
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