L’hématurie microscopique est définie par la présence de plus de 10 hématies/mm3 ou 10 000/ml. Elle est le premier point d’appel pour rechercher les carcinomes urothéliaux (vessie, voies excrétrices supérieures) et les cancers du rein. Sa prévalence chez les patients en bonne santé varie de 2,4 % à 31,1 % (3). « C’est un enjeu de santé publique : 20 % des hommes de plus de 60 ans ont une hématurie microscopique (4) », rappelle le Dr Benjamin Pradère, chirurgien urologue à la clinique La Croix du Sud (Toulouse), membre du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (AFU) pour les carcinomes urothéliaux et co-rédacteur des recommandations européennes sur les cancers de la vessie.
Quels examens complémentaires ?
La conduite diagnostique est codifiée dans les recommandations américaines, actualisées en 2020. L’enjeu réside dans la décision d’examens complémentaires chez des patients jeunes ayant une hématurie microscopique dépistée par bandelette urinaire, et confirmée par un examen cytobactériologique des urines (ECBU). Dans la version précédente, tout patient présentant une hématurie microscopique devait subir, à partir de 35 ans, une évaluation radiologique avec un uroscanner et une cystoscopie. Mais en 2018, la parution de l’étude DETEC 1 a changé la donne (5). Celle-ci a établi à 3,1 % la prévalence des cancers de l’appareil urinaire en cas d’hématurie microscopique (4,8 % chez les hommes ; 1,9 % chez les femmes), sans qu’aucun ne soit détecté avant 40 ans chez les hommes et 45 ans chez les femmes. « La question est de savoir quelle batterie d’examens diagnostiques réaliser (cystoscopie, uroscanner, cytologie urinaire), leur coût financier et le risque infectieux lié à l’irradiation, ce qui conduit aujourd’hui à ne plus les faire systématiquement (6) », ajoute le Dr Pradère.
Stratifier le risque individuel du patient
Désormais, les explorations dépendent d’une balance bénéfice/risque guidée par la stratification d’un niveau de risque individuel. Celui-ci est réalisé à l’aide d’une échelle prenant en compte le degré d’hématurie microscopique, et des facteurs de risque tels que le sexe, l’âge et les antécédents de tabagisme. « Le patient est classé à haut niveau de risque à partir de 60 ans, s’il a fumé plus de 30 paquets par année, et/ou présente une hématurie microscopique importante avec plus de 25 hématies par HPF (High Power Field = champ du microscope au fort grossissement x 400), résume le Dr Benjamin Pradère. Les explorations à mener sont alors identiques à celles indiquées en cas d’hématurie macroscopique (cystoscopie et uroscanner ou uro-IRM). Concernant les sujets à faible risque (moins de 50 ans pour les femmes et 40 ans pour les hommes, hématurie microscopique peu importante entre 3 et 10 hématies/HPF, absence de facteurs de risque de tumeurs urothéliales, moins de 10 paquets de cigarettes par année), il est préconisé un contrôle par un nouvel ECBU à six mois, avant d’envisager des explorations complémentaires ».
Moins irradiante qu’un uroscanner, l’échographie rénale s’ajoute à la cystoscopie chez les patients à risque intermédiaire : âge compris entre 40 et 59 ans, facteurs de risque de tumeurs urothéliales (exposition professionnelle, inflammation chronique), antécédent tabagique atteignant 10 à 30 paquets par an, ou hématurie entre 11 et 25 hématies/HPF. Dans une étude portant sur des patients atteints d’hématurie microscopique asymptomatique, une tumeur maligne a été détectée chez 2,1 % des patients et 0,2 % des sujets à faible risque (7), démontrant l’inutilité de cette imagerie dans la majorité des cas.
Une exploration systématique
« Ne pas passer à côté d’un carcinome urothélial est important, insiste le Dr Pradère. Le danger est d’attribuer d’emblée l’hématurie à une cause évidente, comme une infection urinaire (notamment chez la femme). Ce d’autant qu’un cancer de la vessie peut être lui-même à l’origine d’infections urinaires. Si les femmes ont une moindre incidence des tumeurs de la vessie que les hommes, le diagnostic est en revanche posé chez elles à un stade plus avancé ». Ainsi, afin de réduire ce retard au diagnostic, l’exploration des facteurs de risque doit être systématique.
(1) Masson-Lecomte A. Progrès en Urologie, FMC 2021;31:F38–F40
(2) Judge C et al. JAMA Aug 10, 2021 Vol 326, N°6563
(3) Davis R J Urol. 2012;188(6 suppl):2473-81
(4) Britton JP et al. J Urol 1992;148:788–90
(5) Tan WS et al. Eur Urol. 2018 Jul;74(1):10-4
(6) Yecies T et al. J Urol 2018;200:967–72
(7) Practice Guideline. Obstet Gynecol. 2017 Jun;129(6):e168-e172
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