PAR LES Drs SÉBASTIEN OTTAVIANI ET PASCAL RICHETTE ET LE Pr THOMAS BARDIN *
IL EST MAINTENANT clairement démontré que les facteurs génétiques jouent un rôle important dans la pathogénie de la goutte et la régulation de l’uricémie. Des études chez les jumeaux ont montré que l’excrétion rénale de l’acide urique est fortement liée à l’hérédité. En plus du transporteur URAT1, de nombreuses protéines codées par des gènes découverts récemment (SLC2A9, ABCG2, SLC17A1, SLC22A11) modulent la réabsorption et la sécrétion tubulaire proximale des urates (1).
La pathogénie de la crise de goutte est aussi mieux connue. Elle fait intervenir la reconnaissance des cristaux d’urate par un des complexes intracytoplasmiques de l’inflammasome, NALP3, qui aboutit à l’activation de la caspase-1, puis à la sécrétion monocytaire et macrophagique d’interleukine 1 (IL-1) (2). La mise en évidence du rôle majeur de l’IL-1 dans les accès aigus goutteux a incité à évaluer l’efficacité des inhibiteurs de cette cytokine pour le traitement des crises. Une étude pilote ouverte, menée sur 10 patients, a rapporté l’efficacité de l’anakinra (Kineret), antagoniste du récepteur de l’IL-1, sur les accès inflammatoires malgré la prise de colchicine ou d’AINS (3). R. Terkeltaub et coll. ont récemment publié une étude faite en cross-over avec le rilonacept (IL1-Trap) dans laquelle 10 patients goutteux chroniques ont été traités par une dose initiale de 360 mg en sous-cutanée, suivie de 160 mg par semaine pendant 6 semaines au total. Les auteurs ont rapporté une efficacité sur la douleur et la protéine C activée (CRP) (4). Un essai est en cours avec le canakinumab (anticorps anti-IL-1) dans le traitement de la goutte.
L’objectif du traitement hypo-uricémiant est d’amener l’uricémie à moins de 360 µmol/l (60 mg/l) pour permettre la dissolution des dépôts microcristallins, en accord avec les recommandations de l’Eular (5, 6). Un nouvel hypouricémient, le féboxostat (Adénuric), est commercialisé depuis mars 2010 en France. Le fébuxostat est un inhibiteur sélectif non purinique de la xanthine oxydase. Sa demi-vie est de 6 heures et son élimination est à la fois hépatique et rénale. L’efficacité du fébuxostat a été démontrée par deux études de phase III (études APEX et FACT) menées chez 1 832 patients goutteux hyperuricémiques. Au cours de ces études, le fébuxostat, à la posologie de 80 ou 120 mg/j, a démontré sa supériorité vis-à-vis de l’allopurinol (100 à 300 mg/j, selon la fonction rénale) pour diminuer l’uricémie.
Ce nouvel inhibiteur de la xanthine oxydase semble donc avoir un effet hypo-uricémiant plus important et plus rapide que l’allopurinol à la dose la plus habituelle de 300 mg/j. En cas de fonction rénale normale, la posologie de l’allopurinol peut être augmentée jusqu’à 800-900 mg/j avec sans doute une augmentation du risque d’intolérance, mais aussi un gain d’efficacité comme l’a démontré l’étude de Reinders et coll.
Le fait le plus intéressant est que l’insuffisance rénale ne limite pas la posologie du fébuxostat tant que la clairance de la créatinine reste supérieure à 30 ml/min. En effet, l’insuffisance rénale est un obstacle important à l’obtention d’une uricémie basse avec l’allopurinol, car, dans ce cas, sa posologie doit être réduite et adaptée à la clairance de la créatinine.
La dose quotidienne recommandée de féboxostat est de 80 mg/j. Si l’uricémie reste › 360 µmol/l après 2 à 4 semaines de traitement, la posologie peut être augmentée à 120 mg/j. L’abaissement de l’uricémie induit une dispersion des dépôts uratiques et augmente le risque de crise de goutte au début du traitement. Une prévention de ces accès par une petite dose quotidienne de colchicine ou d’AINS est recommandée pendant au moins 6 mois. Les événements indésirables liés au fébuxostat les plus fréquemment rapportés ont été des anomalies du bilan hépatique, et notamment des élévations des transaminases (3,5 %), des diarrhées (2,7 %), des céphalées (1,8 %), des nausées (1,7 %) et des éruptions (1,5 %). Comparativement au groupe allopurinol, il a été observé une incidence plus élevée d`événements cardio-vasculaires au cours des études APEX et FACT (1,3 événement pour 100 patients-années contre 0,3) et de la phase d’extension en ouvert (1,4 contre 0,7 événement pour 100 patients-années). Cependant, la différence observée n’était pas statistiquement significative et pourrait être liée au hasard, dans une population atteinte de goutte sévère, très exposée aux accidents cardio-vasculaires. Ce signal cardio-vasculaire observé lors des études pivots n’a pas été retrouvé dans l’étude CONFIRMS. Le RCP comporte tout de même une précaution d’emploi visant à limiter la prescription d’Adenuric en cas de pathologie ischémique ou d’insuffisance cardiaque congestive (7).
L’urate est transformé en allantoïne par l’urate oxydase chez les animaux, à l’exception de l’homme et des grands singes, chez lesquels le gène de l’enzyme est inactivé. Une uricase recombinante aspergillaire est commercialisée en France.
*Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Université René Diderot, Paris.
(1) Riches PL et coll. Recent insights into the pathogenesis of hyperuricaemia and gout. Hum Mol Genet 2009;18(R2):R177-84.
(2) Liu-Bryan R . Intracellular innate immunity in gouty arthritis: role of NALP3 inflammasome. Immunol Cell Biol 2010;88(1):20-3.
(3) So A et coll. A pilot study of IL-1 inhibition by anakinra in acute gout. Arthritis Res Ther 2007;9(2):R28.
(4) Terkeltaub R et coll. The interleukin 1 inhibitor rilonacept in treatment of chronic gouty arthritis: results of a placebo-controlled, monosequence crossover, non-randomised, single-blind pilot study. Ann Rheum Dis 2009;68(10):1613-7.
(5) Zhang W et coll. EULAR evidence based recommendations for gout. Part I: Diagnosis. Report of a task force of the Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2006;65(10):1301-11.
(6) Zhang W et coll. EULAR evidence based recommendations for gout. Part II: Management. Report of a task force of the EULAR Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2006;65(10):1312-24.
(7) Jansen TL et coll. International position paper on febuxostat. Clin Rheumatol 2010 Apr 18. [Epub ahead of print]
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