La néphrectomie est indiquée en première intention chez les patients ayant un cancer du rein localisé, mais on estime que près de la moitié de ceux à risque intermédiaire ou élevé vont récidiver et développer des métastases. Ce risque de récidive postopératoire est estimé d’après des données cliniques et anatomopathologiques, notamment celles du score UISS (UCLA integrated staging system). Pour le Pr Arnaud Méjean (HEGP, Paris) « prévenir ou retarder l’apparition de métastases chez ces patients grâce à un traitement adjuvant est donc un enjeu majeur pour obtenir une prise en charge optimale. »
Les thérapies ciblées antiangiogéniques, inhibiteurs de tyrosine kinase, ayant déjà fait leur preuve dans la prise en charge du cancer du rein métastatique en améliorant la survie, plusieurs études cliniques ont été menées pour évaluer leur efficacité comme traitement adjuvant des cancers du rein résécables à haut risque. Parmi les études publiées, deux ont donné des résultats différents.
Des études aux résultats contradictoires
L’étude ASSURE (adjuvant sorafenib sunitinib unfavorable renal cell carcinoma) a inclus 1 943 patients traités pendant un an soit avec un inhibiteur de tyrosine kinase, sunitinib (50 mg/j, 4 semaines sur 6) ou sorafénib (800 mg/j), soit avec un placebo. Les résultats n’ont montré aucune différence significative quant à la survie sans récidive ou la survie globale dans les trois bras.
La deuxième étude, S-TRAC (sunitinib treatment in renal adjuvant cancer) a comparé un traitement par 50 mg de sunitinib, 4 semaines sur 6 pendant un an, à un placebo chez des patients à risque élevé de récidives (critères UISS) après néphrectomie. Le critère principal était la survie sans récidive. « Dans cet essai, il a été constaté une différence significative par rapport au placebo (HR 0,76 ; p < 0,03) chez les patients à très haut risque. Ces résultats positifs n’ont pas été obtenus dans l’étude ASSURE, en examinant le sous-groupe de patients à haut risque. De même, une méta-analyse qui a regroupé les deux essais n’a pas retrouvé de différence », explique le Pr Méjean.
Un autre inhibiteur de TK1, le pazopanib a été évalué versus placebo dans l’essai PROTECT, initialement à la dose quotidienne de 800 mg. Mais, en cours d’essai, pour des raisons de toxicité, le dosage a été diminué à 600 mg/j. À la fin de l’étude, il n’y avait pas de différence significative quant à la survie sans récidive dans le groupe de patients traités avec 600 mg/j de pazopanib et le groupe placebo, alors qu’il y en avait une petite pour les patients traités à la dose conventionnelle (800 mg/j). « Ces résultats laissent penser qu’il y aurait peut-être là une piste à envisager chez des patients à haut risque évolutif, mais, souligne le Pr Méjean, à ce jour, aucun traitement n’a été validé en Europe (et donc en France) en situation adjuvante dans le cancer du rein non métastatique contrairement aux États-Unis. » En effet, à la suite de ces différentes études, la FDA a accordé, fin 2007, une nouvelle autorisation de mise sur le marché au sunitinib en traitement adjuvant chez les patients à haut risque évolutif, alors que l’EMA n’a pas rendu les mêmes conclusions et n’a pas validé l’indication.
D’autres résultats sont attendus, notamment ceux de l’étude SORCE (sorafenib in patients with resected primary renal cell carcinoma at high or intermediate risk of relapse) qui a inclus 1 656 patients et compare le sorafénib à 400 mg deux fois par jour pendant un ou trois ans à un placebo. De nombreux essais sont aussi menés avec l’immunothérapie en traitement adjuvant ou néoadjuvant, seule ou en association avec des inhibiteurs de tyrosine kinase.
« On voit bien aujourd’hui, avec tous ces essais, cette volonté qu’il y a d’arriver à traiter les patients à haut risque pour prévenir l’évolution de la maladie », conclut le Pr Méjean. Il faut cependant bien tenir compte de la toxicité des inhibiteurs de tyrosine kinase (syndrome main-pied), qui semble plus importante dans les études sur les patients en situation adjuvante que chez les patients métastatiques.
D’après un entretien avec le Pr Arnaud Méjean (HEGP, Paris)
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