Le congrès de l’Association française d’urologie (AFU, Paris, 17 au 20 novembre) a permis d’aborder certains sujets sociétaux comme la contraception masculine. Si le concept est de plus en plus en vogue, peu de méthodes sont réellement validées à part le préservatif et la vasectomie. Également au menu de cette 115e édition, un focus sur les signes urinaires de l’endométriose et la présentation du rapport de l’AFU, dédié aux urgences en urologie.
Où en est-on en matière de contraception masculine ? Si, socialement, l’idée avance à grands pas, scientifiquement, le chemin semble encore long avant que des moyens fiables ne soient réellement disponibles. D’où la mise en garde de l’Association française d’urologie (AFU) lors de son congrès annuel.
« En 2021, dans le sillage de #MeToo, l’aspect sociétal de la contraception masculine – avec la revendication grandissante du partage de la charge contraceptive et la méfiance croissante des femmes envers les hormones – a tendance à prendre le pas sur la science », souligne l’urologue Antoine Faix (Montpellier). Car, pour le moment, la pilule pour homme n’est pas près de voir le jour et seul le préservatif et la vasectomie sont réellement validés.
L'aspect sociétal de la contraception masculine a tendance a prendre le pas sur la science- Dr Antoine Faix (Montpellier)
Autorisée en France seulement depuis 2001, la vasectomie gagne du terrain dans l’Hexagone (où elle était largement délaissée par rapport aux pays nordiques, à la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne ou encore le Canada) avec 13 200 actes en 2020 contre 1 600 en 2010. Mais sa marge de progression reste importante. Il s’agit actuellement du moyen contraceptif le plus sûr chez l’homme. Mais sa réversibilité n’est pas garantie (50-80 % dans les meilleures séries), ce qui en fait une méthode de stérilisation plutôt que de contraception. Le préservatif masculin a, quant à lui, un taux d’échec à un an variable en fonction de l’utilisation : 2 % si elle est « optimale » versus 15 % si elle est plutôt « courante ».
La méthode thermique mal évaluée
À côté de ces moyens contraceptifs approuvés, « plusieurs méthodes vantées dans la presse ne sont pas totalement validées », prévient le Pr Éric Huyghe, responsable du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU (CHU de Toulouse). C’est le cas notamment de la contraception thermique, disponible sous forme de « slips chauffants », loin d’être validés. D’où « un danger à les utiliser », estime l’urologue.
« Plusieurs méthodes vantées dans la presse ne sont pas totalement validées » - Pr Eric Huyghe (Toulouse)
L’un de ces dispositifs chauffants (dispositifs médicaux de classe II b) est justement en développement au CHU de Toulouse, mais c’est le seul à être testé scientifiquement.
D’autres modèles « artisanaux » sont proposés sur internet mais aucune donnée scientifique ne soutient leur efficacité (définie par moins de 1 million de spermatozoïdes/ml dans le sperme) et son maintien dans le temps, ni leur réversibilité et leur innocuité ou même l’absence de variabilité inter-individuelle (en fonction de l’âge…). « On ne dispose non plus d’aucune donnée de l’utilisation de ces dispositifs chez des hommes déjà hypofertiles, ou avec des facteurs de risque (varicocèle…), notamment concernant la réversibilité », met en garde l’urologue.
L’acceptabilité de la contraception thermique pose également question, le dispositif devant être porté au minimum 15 heures par jour, faute de quoi cela s’apparente à un « oubli de pilule ». De plus, un examen médical et un spermogramme seraient nécessaires avant d’initier ce type de contraception et des spermogrammes réguliers devraient ensuite être réalisés. Enfin, il existe un risque pour le conceptus si une grossesse survient pendant la contraception ou au décours immédiat car il a été montré une fragmentation de l’ADN et une aneuploïdie. Par ailleurs, « il faut être conscient que la spermatogenèse durant 74 jours, les techniques chauffantes n’agissent pas immédiatement, mais à partir de deux, trois voire six mois, avec un délai identique avant récupération ».
Contraception hormonale, l’innocuité en question
Concernant la contraception hormonale masculine, les pistes sont prometteuses mais avec encore d’importants bémols en 2021. Les études, dont certaines ont été financées par l’OMS, ont montré une efficacité sur de grandes séries, soit de l’administration de testostérone à très haute dose, soit de l’association testostérone/progestérone.
Cependant, l’efficacité chez les Caucasiens semble moins importante (60-80 %) que chez les Asiatiques et l’innocuité est problématique. En effet, la seule supplémentation en testostérone élève la testostéronémie à deux ou trois fois la normale, avec à la clé un risque de polyglobulie, de troubles cardiovasculaires et de cancer de la prostate. L’association progestatifs/testostérone semblerait plus sûre. Quoi qu’il en soit, à ce jour, aucune de ces hormones ne possède d’AMM en France et dans le monde dans une indication contraceptive.
Vaccin, vasectomie réversible, etc. : plusieurs pistes de recherche à l’étude
D’autres voies de recherche sont explorées, dont celle de la contraception non hormonale, avec les immunocontraceptifs. L’objectif est de faire synthétiser par l’organisme des anticorps qui vont diminuer la fécondité, faisant néanmoins courir un risque d’auto-immunité. La question de la réversibilité est aussi posée, sachant qu’aujourd’hui, aucun traitement n’existe pour traiter les anticorps anti-spermatozoïdes en cause dans certaines infertilités. Des vaccins contraceptifs, qui rendent temporairement infertiles, ont été développés chez l’animal pour contrôler certaines espèces sauvages mais cette voie de recherche intéressante reste très préliminaire chez l’homme.
Parmi les autres pistes, celle de l’adjudine, une molécule dérivée d’un traitement anti-cancer (inidamine) qui provoque une desquamation des cellules germinales, qui se détachent ainsi prématurément de l’épithélium séminifère. Les essais sur l’animal sont encourageants. Quant à la vasectomie « réversible », elle est également du domaine expérimental, avec des injections de Risug (Reversible Inhibition of Sperm Under Guidance) ou de Vasalgel dans les canaux déférents, afin de constituer une sorte de filtre à spermatozoïdes. D’autres dispositifs intra-défférentiels sont aussi imaginés ; tous sont en phase précoce de développement.