« Le choix de la dialyse péritonéale (DP), c’est celui de la liberté », explique le Dr Pierre-Yves Durand, chef du service de dialyse à Vannes. Cette méthode de dialyse permet au patient de gérer lui-même la dialyse et de le faire à domicile, de jour ou de nuit pendant son sommeil, d’adapter le traitement à son activité et même de voyager en emportant les poches dans ses valises. Pourtant, malgré ses avantages, la DP n’est pas assez développée en France.
« La prévalence de la technique reste désespérément inférieure à 10 % dans la population des dialysés », se désole le néphrologue de Vannes. Pour le Pr Philippe Brunet, président de la société francophone de dialyse, « les inégalités d’accès à la DP sont très problématiques. Il existe depuis longtemps de fortes disparités interrégionales ». Le taux des nouveaux patients « peut varier de 0 % comme en Guyane, à 30 % en Franche-Comté », détaille le Dr Durand. La situation de la DP dans l’Hexagone contraste fortement avec celle de l’hémodialyse. « Il est facile de mettre un patient en hémodialyse, il faut se battre pour mettre un patient en DP », décrit-il.
Les freins viennent des médecins
La sous-représentation de la DP n’est vraisemblablement pas le reflet du choix des patients. « Selon plusieurs études convergentes, quand les patients reçoivent une information prédialyse standardisée, 40 à 60 % d’entre eux, soit environ 1 sur 2, choisissent la DP, explique le Dr Durand. Le temps hebdomadaire consacré à la dialyse est réparti de façon différente mais est sensiblement le même. L’information donnée au patient est très importante, et plus que tout, c’est la façon dont elle est faite. Les vrais freins viennent des médecins. La DP repose sur leur motivation et leur conviction. »
Les obstacles à la DP sont multiples. « Les difficultés rencontrées au démarrage d’un programme de dialyse sont démotivantes pour les équipes, commente-t-il. Les problèmes de cathéter, souvent quand le chirurgien est peu expérimenté, peuvent "tuer dans l’œuf" une technique. Un problème de mauvais positionnement du cathéter peut être très délicat et long à résoudre. De plus, la DP véhicule une "mauvaise image" dans les services hospitaliers, où elle est synonyme de surcharge de travail pour des infirmières très occupées ». À cela s’ajoutent des filières parfois très étanches, qui ne référencent pas vers le domicile des patients éligibles.
Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé, il y a très peu de contre-indications à la DP. Comme le résume le Dr Durand, chef de projet du texte publié en 2007 : « La DP est réalisable dans la très grande majorité des situations pour lesquelles l’hémodialyse est aussi possible, laissant le choix ouvert pour la technique. Les seules contre-indications absolues sont l’obésité morbide, les délabrements irréparables de la paroi abdominale, les éventrations non opérables. Les autres contre-indications tiennent à l’environnement du patient : habitat insalubre, absence d’infirmier libéral disponible si le patient n’est pas autonome, hygiène insuffisante ».
Chez les jeunes en attente de greffe
L’adhésion à la DP est très variable au sein d’une même classe d’âge. « Chez les sujets âgés non autonomes, la DP avec le passage d’une infirmière à domicile est une alternative à l’hémodialyse. Chez les jeunes, la DP est une très bonne indication chez les sujets en attente de greffe, puisqu’ils n’auront pas eu de fistule artério-veineuse et ne garderont aucune séquelle ». Certains centres de dialyse ont d’ailleurs pris le parti de proposer systématiquement la DP à tout nouveau patient, afin de préserver au maximum le capital vasculaire. « C’est une bonne option pour entrer dans la dialyse, commente le Dr Durand. Quitte à venir à l’hémodialyse ensuite, les transferts de l’une à l’autre sont possibles. »
Le Pr Brunet se veut optimiste sur l’évolution des choses : « Aujourd’hui, près de 90 % des services universitaires donnent accès à un enseignement de la DP. Il existe un vivier de jeunes néphrologues qui ont les outils pour la développer ». La formation repose encore beaucoup sur l’initiative personnelle, mais les supports se multiplient. Le Registre de Dialyse Péritonéale de Langue Française (RDPLF) joue un rôle de pivot. « C’est d’abord un registre unique sans équivalent, plus exhaustif que celui du rein. Mais c’est bien plus qu’un registre, c’est un outil très interactif d’aide à la prescription, conclut le Dr Durand. Le site consacre aussi une page d’information à visée des médecins généralistes pour préciser leur rôle en cas de complication ».
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