Tous les urologues savent qu’une torsion testiculaire est une urgence chirurgicale. Il est nul besoin de leur refaire un point sur le sujet. Mais en m’appuyant sur mon activité d’expert auprès des tribunaux, je peux donner quelques éléments d’informations médicolégales à ne pas négliger. Chaque année, j’ai, en expertise, quatre à cinq dossiers de contentieux pour des testicules perdus. Et je constate régulièrement que des urologues peuvent commettre des erreurs qui, dans une procédure, sont de nature à entraîner une condamnation », indique la professeur Brigitte Mauroy, chef de service d’urologie au groupement hospitalier de l’Institut catholique de Lille et expert agréé par la Cour de cassation et près la cour d’appel de Douai.
Face à une bourse aiguë évoquant une torsion testiculaire, l’urologue doit surtout penser à faire préciser au patient l’heure de début de la douleur. « C’est essentiel d’un point de vue médicolégal. Il est en effet établi que la valeur fonctionnelle ultérieure du testicule dépend de l’heure de la détorsion. Entre 0 et 4 heures après la torsion, on est sûr de sauver le testicule. Au-delà de la quatrième heure, des lésions anoxiques sont présentes et peuvent entraîner une destruction de certaines cellules testiculaires et un arrêt de la spermatogénèse. Classiquement, dans la littérature, on retient le délai de 6 heures comme le moment au-delà duquel la totalité des cellules testiculaires est détruite », explique la Pr Mauroy.
« Certes, Malossini a rapporté seulement 46 % d’atrophie testiculaire quand la détorsion avait lieu plus de 12 heures après l’heure de début des troubles, poursuit-elle. Mais d’un point de vue médicolégal, il faut que les urologues gardent ce délai de 6 heures en tête et fassent bien attention à noter l’heure de début de la douleur. Il est possible en effet qu’un patient, qui va perdre un testicule, puisse ensuite affirmer qu’il a été opéré avec retard. Mais si l’urologue a la preuve soit qu’il a opéré dans les 6 heures suivant l’apparition de la douleur, soit qu’il s’est présenté au-delà de ce délai il ne pourra pas être inquiété d’un point de vue juridique ».
Dans certains cas, il peut arriver que le patient tarde à consulter en dépit de la douleur pourtant très vive. « Au-delà de 24 heures et en l’absence de traitement, un œdème peut s’installer. Le diagnostic différentiel entre une torsion de testicule et une orchiépididymite est alors extrêmement difficile. C’est la raison pour laquelle une règle fondamentale est d’explorer chirurgicalement systématiquement toute bourse augmentée de volume, douloureuse, non accompagnée de signes infectieux pour ne pas risquer de faire une intervention trop tardive », souligne la Pr Mauroy.
La Pr Mauroy conseille aussi de porter une grande attention à l’information délivrée au patient ou à ses parents quand il s’agit d’un mineur. « En cas de perte d’un testicule, il est important de bien préciser les suites de cette castration unilatérale. Chez l’enfant, comme pour tous les organes pairs de l’organisme, le testicule restant va augmenter de volume et travailler pour deux. C’est un peu moins vrai chez l’adulte et c’est d’autant moins vrai que le patient avance en âge. Quoi qu’il en soit un testicule sain controlatéral suffit habituellement à assurer une sécrétion d’hormones mâles et il n’y a donc pas à craindre de retentissement sexuel, c’est-à-dire de retentissement sur la puissance érectile de l’intéressé. En revanche, en ce qui concerne la fonction d’excrétion, il est possible que le sperme contienne une quantité moins importante de spermatozoïdes. Une atteinte des fonctions de reproduction est alors possible sans être certaine. Un spermogramme permet dans ce cas de juger du retentissement de la castration unilatérale en comptant le nombre de spermatozoïdes dans l’éjaculat », souligne la Pr Mauroy.
Mais cette dernière juge déraisonnable de proposer un spermogramme à un adolescent de 15 ans. « Cela peut en effet lui ancrer dans la tête l’idée qu’un retentissement ultérieur est possible. Ce qu’il faut surtout, c’est délivrer une information la plus complète possible car on voit parfois des parents engager des contentieux estimant, après s’être renseignés ailleurs, qu’ils n’ont pas été suffisamment bien informés ».
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