LES INFECTIONS à bactéries résistantes aux antibiotiques ne sont pas un phénomène nouveau, ni récent, que ce soit en urologie ou dans les autres domaines de la pathologie infectieuse. Cependant, l’augmentation importante de l’incidence des résistances, et l’accumulation de résistances naturelles et acquises ont conduit à l’émergence de bactéries multirésistantes (BMR) qui constituent aujourd’hui un véritable problème de santé publique.
L’urologie est une spécialité confrontée à de nombreuses pathologies infectieuses (infections d’organes ou infections de sites opératoires) et les urologues sont de grands prescripteurs d’antibiotiques. À ce titre, ils doivent être particulièrement sensibilisés aux problèmes de résistances, et impliqués dans le respect des recommandations visant à lutter contre leur développement. D’importants progrès peuvent être réalisés, car il faut rappeler que la France reste encore, malgré la prise de conscience de cette problématique, le premier pays européen prescripteur d’antibiotiques.
Quinze pour cent de résistance aux fluoroquinolones.
Réduire la consommation implique de changer certaines habitudes de prescription. Une des premières mesures applicables en urologie est de ne pas traiter systématiquement les colonisations bactériennes, ou même, plus en amont, de ne pas les dépister. La prescription d’ECBU doit être réfléchie, et répondre à des indications précises.
La notion de pression de sélection des antibiotiques est également importante à connaître afin d’adopter une prescription plus responsable. La pression de sélection est l’ensemble des conditions favorisant l’émergence de résistance au cours d’un traitement. Certaines familles d’antibiotiques exercent une plus forte pression de sélection que d’autres, et leur utilisation augmente donc le risque de développement de résistance. C’est par exemple le cas des quinolones comparativement à l’amoxicilline. Cet aspect de la classification des antibiotiques constitue un facteur supplémentaire à prendre en compte lors du choix d’un traitement.
Les entérobactéries, avec en tête l’Escherichia coli, sont les premiers germes responsables d’infections en urologie. Au sein de cette famille, deux types de résistances sont devenues particulièrement préoccupantes : la résistance aux fluoroquinolones et le développement d’entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE).
La résistance aux fluoroquinolones des entérobactéries s’est rapidement développée en France en quelques dizaines d’années, pour atteindre aujourd’hui un chiffre moyen de 15 % avec des disparités régionales, le nord de la France étant moins touché que le sud. Cette famille d’antibiotiques a été, et est encore, très largement prescrite en urologie du fait de sa facilité d’utilisation per os ou IV, de sa bonne biodisponibilité et de sa très bonne diffusion urinaire et prostatique. Un des premiers facteurs de risque de résistance aux quinolones est la prescription d’antibiotiques, quel qu’il soit et quelle qu’en soit l’indication, dans les six mois précédents. En conséquence, la mesure à connaître et à appliquer est simple : devant un patient ayant pris des antibiotiques dans les 6 mois, les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisées en première intention en traitement probabiliste.
Savoir identifier les BLSE en ambulatoire.
Les entérobactéries BLSE sont résistantes aux pénicillines et aux céphalosporines, notamment de troisième génération, utilisées en urologie dans le traitement des infections sévères. En France, actuellement, elles représentent 1 à 2 % des entérobactéries. À l’hôpital, entre 2002 et 2006, l’incidence a augmenté de 24 %, passant de 0,13 à 0,17 cas pour 1 000 patients hospitalisés.
Une infection à BLSE doit être traitée par une association d’imipénème et d’aminoside, même si d’autres molécules apparaissent sensibles à l’antibiogramme. La veille épidémiologique hospitalière permet d’alerter, lors du diagnostic d’une infection à BLSE, par un étiquetage standardisé de l’ECBU, entraînant la mise en place de mesures d’isolement et d’un traitement adapté. En ambulatoire en revanche, les laboratoires ne font pas systématiquement ce marquage, et le praticien doit être vigilant lors de la lecture de l’antibiogramme, afin de savoir individualiser les BLSE pour mieux les traiter.
L’Association Française d’Urologie (AFU) organise régulièrement des enseignements portant ces thématiques d’infectiologie, afin de mieux sensibiliser l’ensemble des urologues. Cette question fait partie intégrante de la mission de formation de l’AFU, que ce soit lors de la formation initiale avec des enseignements du collège d’urologie (ECU), ou lors de la formation continue avec les séminaires annuels d’urologie continue (SUC), dont le dernier module d’infectiologie s’est tenu fin janvier à Marne-la-Vallée.
La mobilisation de tous, au sein de chaque spécialité, vise à diminuer l’incidence des infections à BMR, et à limiter le risque d’émergence en France de souches totorésistantes, comme il en existe en Inde, conduisant à des situations d’impasses thérapeutiques particulièrement préoccupantes.
D’après un entretien avec le Dr Franck Bruyère, CHU Bretonneau, Tours.
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