L'activité physique adaptée (APA) est devenue un pilier de la « prise en soins » des maladies chroniques et du cancer. Dans ses objectifs, « elle vise à améliorer l'état de santé et l’autonomie des individus, en particulier ceux souffrant de maladies chroniques, rappelle Baptiste Chéhère, enseignant APA, maître de conférences à l’université de Bretagne Occidentale (Brest). Ces personnes sont souvent restreintes dans leurs activités quotidiennes en raison de symptômes tels que l'essoufflement, la douleur ou la fatigue, fréquents dans le cas de maladies respiratoires ou de traitements contre le cancer. Ces symptômes suscitent du stress, et sont souvent accentués par le mouvement ou certains efforts physiques, à l’origine parfois d’une kinésiophobie, première étape de la "spirale du déconditionnement" ». Il s’agit « d'encadrer de manière spécifique l'augmentation du volume global d'activité de nos patients », ajoute le Pr Romain Mathieu, chirurgien urologue au CHU de Rennes.
Des bénéfices sur la survie et le vécu de la surveillance active
En urologie, l’APA – à ne pas confondre avec la rééducation et la kinésithérapie prescrites dans l’incontinence urinaire – s’adresse essentiellement aux patients ayant un cancer, de prostate ou de vessie, notamment après cystectomie.
Dans le cancer de la prostate, domaine où les preuves sont les plus consistantes, l'activité physique réduit le risque de mortalité. Une méta-analyse (1) s’intéressant à différents cancers a en effet conclu que des niveaux plus élevés d’AP post-diagnostic étaient associés à une amélioration de la survie pour au moins 11 types de cancer, dont celui de la prostate [HR = 0,70 (0,55 à 0,90) IC95 %]. Cette corrélation n'a pas été démontrée de manière aussi nette dans d'autres cancers urologiques, tels que les cancers du rein ou de la vessie, mais il est indéniable que l’APA contribue à améliorer le bien-être général et la qualité de vie.
L’essai Erase (2) conduit chez des patients en surveillance active pour un cancer de la prostate a par ailleurs conclu qu’un programme supervisé de HIIT (entraînement fractionné de haute intensité) d'une durée de 12 semaines pourrait améliorer l'anxiété spécifique au cancer de la prostate, la peur de sa progression, les symptômes hormonaux, le stress, la fatigue et l'estime de soi.
En pratique, bien qu'il n'y ait pas de directives spécifiques émises par des sociétés savantes en urologie, les recommandations de l'Inca (Institut national du cancer) s’appliquent : limiter le temps passé en position assise et pratiquer au minimum 30 minutes d'activité physique modérée par jour. Les activités aérobies sont encouragées, telles que la marche de manière régulière, tout en intégrant deux séances hebdomadaires de renforcement musculaire sous la supervision d’un enseignant APA ou un professionnel paramédical, par exemple un kinésithérapeute formé à l’APA.
L’expérience rennaise
« Du fait des bénéfices avérés de l’APA pour nos patients atteints de cancer prostatique, nous devons désormais nous organiser afin de la proposer systématiquement », défend le Pr Romain Mathieu.
Dans cette optique, le CHU de Rennes a adossé à sa consultation d’uro-oncologie une prise en charge par un enseignant APA avec, par ailleurs, la structuration d’un réseau pour orienter les patients vers des structures adaptées.
« Parmi les patients atteints de cancer de la prostate dans notre service, les séances d’APA sont prioritairement proposées à ceux sous hormonothérapie, en raison des effets potentiels cardiovasculaires, de la prise de poids et de la sarcopénie associés à ce traitement. »
Cette démarche a été initiée grâce à des stagiaires du laboratoire Médecine Sport Santé, dirigé par la Pr Amélie Rebillard. Leurs recherches portent sur les mécanismes par lesquels l'activité physique exerce des effets bénéfiques sur l'évolution et la survie des patients atteints de cancer. « Notre objectif était d'évaluer la manière dont nous pourrions proposer une APA aux hommes atteints de cancer prostatique, explique Romain Mathieu. Pour nous adapter au profil de ces patients, peu enclins à partager du temps d’APA en groupe, nous avons développé un programme d'activités physiques à distance, guidé par un enseignant APA. Une réévaluation périodique des patients est instituée depuis trois ans, en collaboration avec l’enseignant APA au sein de notre consultation d'oncologie. »
À l'hôpital ou en médecine libérale, les urologues peuvent prescrire l’APA, laquelle est dispensée dans les maisons sport-santé, des associations, etc. La Ligue contre le cancer propose des séances d’APA de proximité et un maillage territorial se développe. De nombreux établissements développent les soins de support, intégrant activement les enseignants APA.
(1) Friedenreich CM et al. Physical Activity and Mortality in Cancer Survivors: A Systematic Review and Meta-Analysis. JNCI Cancer Spectr. 2019 Oct 17;4(1):pkz080.
(2) Kang DW et al. A Randomized Trial of the Effects of Exercise on Anxiety, Fear of Cancer Progression and Quality of Life in Prostate Cancer Patients on Active Surveillance. J Urol. 2022 Apr;207(4):814-822.
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