Chlamydia et gonocoque
Pourquoi une mise à jour concernant les uréthrites aiguës ?
L’évolution de la résistance du gonocoque aux quinolones ainsi que sa diminution de sensibilité aux céphalosporines a conduit l’Association française d’urologie par l’intermédiaire de son Comité d’infectiologie à actualiser la prise en charge des uréthrites aiguës non compliquées de l’homme. L’AFSSAPS avait d’ailleurs fait la même démarche en 2008.
Épidémiologie
L’épidémiologie des uréthrites aiguës est-elle stable actuellement ?
L’uréthrite est une inflammation de l’urèthre et des glandes périurétrales, le plus souvent d’origine infectieuse et sexuellement transmissible. Chlamydia trachomatis reste la première cause d’infection sexuellement transmissible bactérienne dans les pays industrialisés. Mais il faut insister sur le fait que les enquêtes de prévalence réalisées tant en France qu’aux États-Unis révèlent un portage asymptomatique de C. trachomatis d’environ 10 % dans certaines populations d’adultes de moins de 25 ans. Pour Neisseria gonorrhoeae le nombre de souches isolées en France a augmenté de 50 % entre 2005 et 2006. Il existe indiscutablement un relâchement de la vigilance et la pratique actuelle du « sexe sans risque » explique probablement ces données.
À côté de ces 2 principaux germes qui restent au hit-parade, il existe également des uréthrites à Mycoplasma genitalium et Trichomonas vaginalis ; Ureaplasma urealyticum, dont la pathogénicité est discutée, est une cause plus rare d’uréthrite.
C. trachomatis et N. gonrrhoeae peuvent se compliquer d’une épididymite chez l’homme, une endo-cervicite, endométrite ou salpingite chez la femme, responsables de stérilité.
Symptomatologie
La symptomatologie clinique a-t-elle évolué avec la résistance bactérienne ?
Non, comme souvent en microbiologie, il n’existe pas de parallélisme entre virulence, résistance aux antibiotiques et signes cliniques. Il faut savoir que l’incubation est courte, 2 à 5 jours pour N. gonorrhoeae, mais plus longue donc trompeuse pour C. trachomatis puisqu’elle va de 10 à 15 jours avec des extrêmes de 3 à 60 jours.
Les symptômes sont habituellement plus marqués dans les uréthrites gonococciques ; ils se manifestent une fois sur deux par un écoulement uréthral purulent ou séreux voire hémorragique, avec brûlures mictionnelles. En l’absence d’écoulement, les symptômes sont un prurit canalaire, des brûlures mictionnelles, une dysurie, une pollakiurie. Des localisations pharyngées ou anorectales peuvent être associées et doivent être recherchées.
Diagnostic
Quelle conduite à tenir diagnostique conseillez-vous aux médecins généralistes ?
Même si l’on envisage un traitement monodose immédiat, toute suspicion d’uréthrite doit être confirmée biologiquement : un prélèvement bactériologique avant traitement est indispensable, pour identifier le micro-organisme en cause et tester sa sensibilité aux antibiotiques du fait de l’émergence de souches résistantes.
En présence d’un écoulement, il faut prélever à l’écouvillon, sans désinfection préalable et chez un patient qui n’a pas uriné depuis au moins deux heures. En l’absence d `écoulement, il faut recueillir le premier jet urinaire de moins de 10 ml pour éviter la dilution des bactéries. Le prélèvement uréthral à la curette ne doit plus être pratiqué, car il est douloureux, traumatisant et avantageusement remplacé par la PCR sur le premier jet de l’ECBU.
Pour la recherche de N. gonorrhoeae, on réalise un examen direct avec coloration de Gram à partir d’un prélèvement de pus à l’écouvillon au laboratoire. L’antibiogramme est indispensable du fait des résistances.
Pour C. trachomatis, l’examen de référence est la PCR en temps réel sur le premier jet d’urines. Chez la femme, l’auto écouvillonnage vulvovaginal avec milieu de transport adapté est possible et paraît mieux accepté. La sérologie est inutile pour le diagnostic, en raison des antigénicités croisées avec C. pneumoniae, et du fait de sa faible contamination parenchymateuse en cas d’uréthrite.
La recherche d’U. urealyticum se pratique en culture sur milieu spécial à partir d’un écouvillon uréthral. Le diagnostic ne sera retenu qu’au-delà de 10 puissance 4 bactéries/ml après culture du germe.
Pour M. genitalium, le diagnostic est effectué uniquement par PCR en temps réel.
Enfin T. vaginalis, est mis en évidence par l’examen direct à l’état frais d’un prélèvement uréthral ou du culot de centrifugation du 1er jet urinaire.
Schémas thérapeutiques
Quels sont les schémas thérapeutiques actuellement recommandés pour les uréthrites aiguës non compliquées ?
Précisons d’abord que le terme « non compliqué » signifie que l’infection ne s’est pas propagée à la prostate ou à l’épididyme : dans le cas contraire, du fait de l’atteinte parenchymateuse, les temps de traitement sont plus longs et la monodose n’est plus indiquée. Il faut insister sur la nécessaire information au patient et sur le fait que le traitement doit être rapide en raison de la contagiosité et du risque de complications. Chaque cas de contamination par IST témoigne que le message de prévention n’a pas été intégré par le patient.
Les traitements probabilistes de l’uréthrite aiguë sont monodoses, ce qui permet d’interrompre rapidement la contagiosité, de favoriser l’observance thérapeutique, et de limiter la pression antibiotique, facteur de résistance.
Pour l’uréthrite gonococcique, le traitement standart est une injection unique par voie I. M. de 500 mg de ceftriaxone qui a en outre une bonne diffusion pharyngée ; contrairement à d’autres pays européens, à ce jour il n’existe en France aucune souche résistante à cet antibiotique. En cas d’allergie aux bêta-lactamines : 1 injection unique de 2 g de spectinomycine, mais sa mauvaise diffusion pharyngée n’en fait pas un traitement de première intention ; quant à la prise orale 500 mg de ciprofloxacine, elle ne sera proposée que sous contrôle de l’antibiogramme du fait de l’augmentation des résistances aux fluoroquinolones, qui atteignait 40 % en 2007. Un traitement anti-chlamydia sera systématiquement associé.
Pour l’uréthrite à C. trachomatis on prescrira azithromycine : 1 g en monodose per os ou doxycycline : 200 mg/jour en deux prises per os pendant 7 jours.
L’uréthrite à M. genitalium est actuellement traitée au mieux par l’azythromycine 250 à 500 mg/j pendant 5 jours ou en cas d’échec la moxifloxacine 400 mg/j pendant dix jours.
Pour l’uréthrite à U. urealyticum, on recommande érythromycine 500 mg x 4/j pendant 7 à 14 jours ou doxycycline 200 mg/j pendant la même durée.
L’uréthrite à T. vaginalis est traitée par une prise orale de 2 g de nitro-imidazolé, éventuellement répétée 10 à 30 jours plus tard.
Les mesures adjuvantes restent fondamentales : dépister et traiter le ou les partenaires, rechercher d’autres infections sexuellement transmissibles : sérologies VIH, VHB, syphilis, en tenant compte des délais de séroconversion. Rechercher des condylomes. Les mesures de prévention incluent les rapports protégés pendant 7 jours en cas de dose unique, ou jusqu’à la fin du traitement en plusieurs prises, et jusqu’à la disparition des symptômes. Il faut en outre proposer la vaccination contre l’hépatite B chez les non immunisés.
Revoir
Faut-il revoir ces patients ?
Oui, autant que possible : le patient doit être informé qu’il doit impérativement revenir en consultation si les symptômes persistent au 3e jour, pour adapter le traitement aux résultats de l’antibiogramme, si nécessaire.
L’AFSSAPS recommande par ailleurs une consultation systématique à J7 pour vérifier la guérison clinique, effectuer un contrôle microbiologique de guérison, notamment en cas de localisation pharyngée avec un traitement autre que la ceftriaxone et donner les résultats des sérologies.
À retenir
Quels sont les messages forts à retenir ?
Faire un prélèvement bactériologique systématique avant tout traitement antibiotique : en cas d’écoulement, prélèvement à l’écouvillon, en cas d’uréthrite sèche, le prélèvement à la curette doit être abandonné au profit de la PCR sur l’ECBU du premier jet.
Le traitement sera rapidement institué, monodose et probabiliste, dirigé contre gonocoque et Chlamydia trachomatis en attendant le résultat des prélèvements. Il associera ceftriaxone 500 mg I. M. et azythromicine 1 g per os. Les fluoroquinolones, qui sont de moins en moins actives, devront être évitées autant que possible, au moins en première intention.
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