LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Cela fait déjà de nombreuses années que les lasers sont utilisés dans divers domaines de la médecine. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour qu’ils soient employés dans le traitement des adénomes prostatiques ?
Dr RICHARD OLIVIER FOURCADE - des tentatives d'incisions prostatiques avaient bien été effectuées dans les années 1980 et rapidement abandonnées car inefficaces. Les perfectionnements du laser infrarouge Nd Yag ont permis, dans les années 1990, à certaines équipes, d'expérimenter la vaporisation par tir latéral, mais la technique était très lente et pourvoyeuse de nécroses de coagulation responsables d'irritations postopératoires majeures, ce qui a rapidement conduit à l’abandonner.
Une autre technique a été ensuite mise au point, qui fait appel à un autre type de laser infrarouge, le laser holmium. Celui-ci coupe les tissus de manière exsangue et permet donc de réaliser une énucléation antérograde de la prostate. Les résultats sont excellents, mais la technique est difficile et son apprentissage est long. Elle nécessite en outre, une fois que l’adénome a été énucléé et se trouve dans la vessie, de le morceler à l’aide d’un dispositif spécial. Le même problème se pose, d’ailleurs, avec un autre laser infrarouge, le laser thulium, qui découpe l’adénome en copeaux, réalisant une sorte de résection antérograde. Là encore, l'apprentissage visant à fabriquer des copeaux de taille adéquate pour en permettre l'évacuation facile demande du temps.
Par rapport aux techniques que vous venez d’évoquer, où se situe la vaporisation prostatique par laser ?
La vaporisation de la prostate paraissait d'emblée une technique intéressante, pour peu qu'elle soit efficace et n’induise qu’une nécrose de coagulation minime. Le laser KTP (Greenlight), qui émet à 531 nm dans le spectre visible une onde de couleur verte, a trois avantages : il est très fortement absorbé par l’hémoglobine, rendant son action indemne de tout saignement, alors qu’il n’est que très peu absorbé par l’eau, permettant à toute la puissance d'atteindre le tissu prostatique ; de plus, il ne pénètre les tissus que sur une profondeur de 0,8 mm, limitant ainsi l'irritation postopératoire. L’intervention fait appel à une fibre à tir latéral à usage unique, délivrant une énergie laser d’une puissance de 80 W. Ce faisceau focalisé, émis à 5 mm du tissu prostatique, sans contact, provoque un échauffement brutal des tissus à plus de 100 °C, entraînant leur vaporisation. Ce laser Greenlight PVP 80 W a été perfectionné par la même société avec une augmentation de la puissance à 120 W et une focalisation encore plus précise (dénommé HPS pour high power system), augmentant ainsi la précision du tir et la rapidité de la vaporisation.
Quels sont les avantages et, éventuellement, les inconvénients de la vaporisation par laser ?
La vaporisation permet la création d'une « loge » identique à celle d'une résection endoscopique (RTU), sans fragments à récupérer. Cette absence de copeaux n'est pas un obstacle, le diagnostic de cancer de la prostate relevant maintenant de la biopsie à l'aiguille et non des techniques chirurgicales. Ces résultats anatomiques comparables à ceux de la résection endoscopique expliquent probablement la similitude des résultats fonctionnels avec un recul de cinq ans dans la littérature. L'avantage majeur apporté par le laser est l'absence de tout saignement per- ou postopératoire. L’intervention n’impose donc pas d’arrêter un éventuel traitement antiagrégant plaquettaire et peut même être réalisée chez des patients traités par antivitamine K, conservant un INR entre 2 et 3. Cela facilite beaucoup la tâche de nos collègues anesthésistes, chez des patients qui se situent dans une tranche d'âge où de tels traitements sont fréquents, notamment avec la généralisation des stents cardiaques dits « actifs ».
Il a été parfois reproché au traitement par laser de réclamer plus de temps que la résection endoscopique. Cela est certainement vrai au début de la phase d’apprentissage, mais, après avoir traité une vingtaine de patients, l’opérateur gagne en rapidité, ayant appris à se repérer, malgré l'éclairage très intense lié au rayon laser vert, de sorte que le temps opératoire finit par être globalement le même que pour une résection endoscopique. Comme pour la RTU, la meilleure maîtrise technique permet de traiter des prostates de plus en plus volumineuses.
Autre avantage, la durée du sondage est extrêmement brève, n’excédant pas 24 heures dans la plupart des cas, ce qui améliore le confort des patients et diminue le risque de colonisation bactérienne. Aux États-Unis, certaines équipes réalisent même cette vaporisation prostatique en ambulatoire, voire sans sonde ; pour l’heure, cette pratique est peu commune en France.
Les suites opératoires sont généralement simples. Chez 10 à 15 % des patients, les urines ont un aspect rosé pendant une dizaine de jours en raison d’une hématurie minime, et les « chutes d'escarre », responsables de saignement retardé après RTU, sont exceptionnelles. En revanche, les signes irritatifs restent assez fréquents dans les premières semaines, pouvant nécessiter la prescription d’AINS ou d’anticholinergiques.
› Propos recueillis par le Dr BERNARD OLLIVIER.
* Service d’urologie, centre hospitalier d’Auxerre.
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