Sobriété, écosoins et écoprescriptions… Limiter l’impact environnemental des pratiques en santé ne sont plus de vains mots pour les sociétés savantes. Des actions concrètes sont lancées par leurs comités dédiés au développement durable (DD) ou à la transition/transformation écologique (TE).
Les anesthésistes-réanimateurs sont pionniers en la matière, dès 2016 au sein de la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar). « Nous ne sommes pas là pour complexifier les choses mais au contraire pour les simplifier ! », affirme le Dr El Mahdi Hafiani du CHU Tenon (AP-HP), président du comité DD de la Sfar, rappelant que le DD repose sur trois piliers, écologique, social et économique. « Si l'action écologique n'est pas en accord avec le volet social et sociétal, elle n'est pas viable. Lorsqu'une action coûte plus cher pour la société ou l'hôpital, elle ne tient pas dans le temps ! », souligne-t-il.
Il est nécessaire de développer les analyses de cycle de vie (ACE) pour l’écoconception des soins. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne sont qu’une partie de l’évaluation de l’impact environnemental du soin. Il est nécessaire de prendre aussi en compte la pollution atmosphérique, l'acidification des sols, la pollution des nappes phréatiques, la déforestation ou encore la raréfaction de l'eau.
En Europe, les émissions de GES sont divisées par six en cas de recours à du matériel d'anesthésie réutilisable, mais la consommation en eau est multipliée par trois avec une augmentation de l’eutrophisation et de certains paramètres de toxicité.
Hémodialyse verte
En néphrologie, l’hémodialyse a un impact environnemental très élevé. Dès 2020, à la sortie du Covid, s’est constitué le groupe Néphrologie verte, qui a bénéficié du soutien total de la présidence de la Société francophone de néphrologie, de dialyse et de transplantation (SFNDT). « Un vrai plus ! », relève la Pr Maryvonne Hourmant du CHU de Nantes, alors présidente de la SFNDT. Les bilans carbone des centres de dialyse ont incité chaque structure à modifier ses pratiques avec en appui un guide de la dialyse verte. « Nous souhaitons introduire des indicateurs écologiques dans le choix d’une modalité de dialyse sans déroger bien sûr à la qualité », poursuit la Pr Hourmant.
En urologie, de nombreuses activités spécifiques posent question à la commission DD de l'Association française des urologues (AFU). Son président, le Dr Richard Mallet (hôpital privé Francheville, Périgueux) évoque « l’usage unique en endoscopie, le devenir des liquides d’irrigation ou encore la chirurgie robotique » .
« Après plus de 1 500 cystoscopies réalisées en un an dans un seul centre, l’analyse en cycle de vie selon cinq indicateurs permet de casser certains dogmes ! Dans le cas de la cystoscopie, le matériel à usage unique n’est pas plus polluant que le matériel réutilisable », révèle le Dr Michael Baboudjian (CHU Marseille) qui a participé à une étude comparant endoscopie à usage unique versus réutilisable.
Autre sujet : les liquides d’irrigation. « Dans notre centre, 220 litres sont consommés par semaine, soit une tonne par mois ! », indique le Pr Éric Lechevallier du CHU Marseille. Des systèmes efficaces de filtrage permettraient par exemple de limiter le rejet de souillures biologiques, médicamenteuses (mitomycine, BCG) ou sanguines dans l’eau du réseau.
Penser parcours de soins
Au-delà des spécificités de chaque discipline, qu'en est-il du parcours de soins du patient ? « En tant que chirurgien, il me paraît très important d’avoir une vision transversale, transdisciplinaire et interprofessionnelle », expose le Pr Patrick Pessaux du CHU Strasbourg et président de l’Association française de chirurgie (AFC). « Et pour développer un "écoparcours de soins", il s’agit de ne pas travailler tout seul, ne pas repartir de la page blanche ou refaire ce que les autres ont déjà établi. En dépassant le champ d’activité spécifique de la discipline, on devient plus efficace et efficient », poursuit-il.
Ainsi est né le collectif d’écoresponsabilité en santé (Ceres) qu’il préside. Le projet fondateur rassemblait cinq sociétés savantes mais « les effectifs ne cessent de croître, le collectif en compte aujourd'hui plus d’une vingtaine », s’enthousiasme Patrick Pessaux. Ses missions sont multiples : enseignement, recommandations ou encore relations avec les instances publiques. « Mais le DD doit aller plus loin que les questions du déchet ou de l’écosoin. Il faut aussi travailler sur la prévention et la pertinence des soins », insiste-t-il.
Plus loin et aussi plus large. « C’est l’esprit d’ouverture et de coopération qui a présidé à la création en 2021 du collectif d’action face à l’urgence en santé et environnement (Cause) », explique la Dr Noëlle Bernard (CHU Bordeaux) et co-fondatrice du collectif. Venus d’horizon différents du secteur sanitaire et médico-social, tous affichent la même volonté. « Nous sommes convaincus de l’interdépendance entre les santés humaine, animale et environnementale, souligne-t-elle. Le processus de transformation de notre système de santé est indispensable ! ».
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