« Des souffrances minimisées » et « des années d'errance médicale » : après le dépôt de plaintes en 2021, de nouveaux témoignages de patientes dans Le Parisien et dans un groupe d'entraide sur Facebook font surface sur les mutilations et les douleurs invalidantes après la pose d'implants pelviens.
Un collectif rencontre ce 8 décembre des représentants de gynécologues, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) réclamant de son côté un « plan national » pour mieux soigner l'incontinence urinaire ou le prolapsus.
Les patientes avaient été opérées avec la pose d'une bandelette sous-urétrale ou d'un implant de renfort pelvien en polypropylène, développés depuis les années 1990. Les complications - dues à une réaction de l'organisme ou une mauvaise pose - peuvent être de différents types : infections, dyspareunies, douleurs chroniques, dysurie ou encore hyperactivité vésicale. Ces dispositifs s'incorporent progressivement aux tissus et leur retrait, difficile, peut être mutilant.
Une réponse des autorités sanitaires
En 2019, les autorités ont imposé une certification systématique par la Haute Autorité de santé (HAS), conduisant au retrait d'une partie des dispositifs. Toutes les mini-bandelettes sous-urétrales à incision unique utilisées jusqu’alors pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort, ainsi que les implants par voie basse utilisés pour le traitement du prolapsus, ont reçu un avis défavorable et ne peuvent plus être utilisés, sauf dans le cadre d’essais cliniques. « À ce jour, 17 bandelettes classiques et neuf implants par voie haute ont reçu un avis favorable de la HAS et peuvent donc être utilisés », indiquait la Haute Autorité en avril 2023.
L'agence de santé a publié des recommandations, en 2021 sur la prise en charge du prolapsus génital et en 2023 sur la prise en charge spécifique des complications du plancher pelvien.
Des décrets de 2020-2021 imposent l'information complète de la patiente avant d'opérer, la « pluridisciplinarité » de la décision et une pratique « régulière » du chirurgien. Mais selon les patientes, les décrets ne seraient pas respectés.
Quatre-vingts femmes ont déposé plainte dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte en 2021 contre « X » pour tromperie aggravée et blessures involontaires, et commencent à être entendues par les enquêteurs, selon Me Hélène Patte, l'une des quatre avocates saisies.
Des médecins mobilisés veulent que ça change
« Certains médecins, qui n'ont jamais vu ces complications sévères rares, sont tentés de dire que ça n'existe pas », regrette le Pr Michel Cosson, président de la commission pelvi-périnéologie du CNGOF.
Il appelle à « un plan national pour structurer la prise en charge » des victimes, avec une « liste de centres experts pluridisciplinaires », associant « au minimum gynécologues, urologues, algologues, rééducateurs et radiologues », dotés de moyens, vers lesquels ces femmes seraient systématiquement orientées.
Il faut aussi « mieux encadrer » la pose car l'obligation de « pratique régulière » est « floue », juge-t-il. Le CNGOF appelle à demander une expérience et des niveaux d'activité minimaux, la formation doit être « validée et valorisée ». Un registre national des patientes opérées et de leurs complications devrait être obligatoire, souligne-t-il.
« On pourrait concentrer la chirurgie dans certains établissements, entre des mains qui en ont grandement l'habitude », suggère le Pr Xavier Deffieux, gynécologue spécialisé en pelvi-périnéologie à Clamart (Île-de-France) et membre du CNGOF.
Cette idée « serait catastrophique en termes d'accès aux soins », estime au contraire le Pr Xavier Gamé, président du collège professionnel d'urologie (CNPU). « Nous organisons des formations, développons la recherche » en vue d'alternatives thérapeutiques (par exemple sur les injections péri-urétrales, non remboursées), mais aujourd'hui, le rapport bénéfice-risque reste favorable, dit-il.
« Les complications, c'est 2,9 % des cas (chiffres contestés par les victimes, NDLR), mais ces souffrances doivent être entendues » et traitées rapidement, déclare le médecin. « Il faut relever les manches », exhorte-t-il.
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