PAR LE Pr CHANTAL LOIRAT (a) et le Dr VERONIQUE FREMEAUX-BACCHI (b),
LE SYNDROME HEMOLYTIQUE et urémique (SHU), caractérisé par l’association d’une anémie hémolytique avec schizocytes, d’une thrombopénie et d’une insuffisance rénale aiguë, est dû à des lésions des endothéliums vasculaires aboutissant à des lésions de microangiopathie thrombotique.
Chez l’enfant, la forme habituelle (90 à 95 % des cas) est le SHU dit typique ou postdiarrhée, lié à une infection par des Escherichia coli producteurs de shigatoxines. Certains SHU de l’adulte sont dus à des infections (HIV), des médicaments (gemcitabine, ciclosporine), des maladies systémiques (lupus), des cancers. Les SHU sans cause identifiée, dits atypiques (SHUa), sont rares mais évoluent vers l’insuffisance rénale terminale (IRT) dans 50 % des cas. Le risque de récidive après transplantation rénale est très élevé. La plasmathérapie est à ce jour le traitement de première ligne. Les progrès dans la compréhension des mécanismes ouvrent aujourd’hui la voie vers des théapeutiques innovantes par les bloqueurs du complément tel l’éculizumab.
Le complément est le principal système de défense contre les microbes chez l’homme. Les surfaces bactériennes induisent l’activation de la voie alterne du complément, qui aboutit au dépôt de C3b à leur surface et à la formation de la C3 convertase alterne. Celle-ci amplifie l’activation du complément et la formation de C3b, aboutissant à la formation du complexe terminal d’attaque (C5b9), responsable de la phagocytose et la lyse des microbes. Cette réaction est très strictement contrôlée à la surface des cellules de l’hôte par les régulateurs que sont le facteur H (FH), le facteur I (FI) et la membrane cofactor protein (MCP ou CD46) (Figure 1).
Le FH et le FI sont des protéines présentes dans le sang circulant, tandis que MCP est une protéine ancrée dans les membranes de toutes les cellules, sauf les globules rouges. Les cellules endothéliales et les membranes basales glomérulaires sont riches en molécules polyanioniques, sur lesquelles le FH se fixe, assurant ainsi leur protection contre l’attaque du complément.
Le FH, le FI et MCP coopèrent localement pour inactiver le C3b et ainsi prévenir l’amplification du clivage de C3 en C3b et de la formation de la C3 convertase. Les mutations du FH, du FI ou de MCP entraînent un défaut de fonction de ces protéines qui n’assurent plus une protection efficace des cellules endothéliales contre l’activation du complément. Cette protection inadaptée entraîne une formation du complexe d’attaque C5b9 à la surface des cellules endothéliales, à l’origine des altérations de ces cellules.
Une perte de la régulation du complément est démontrée chez 70 % des patients atteints de SHUa.
De nombreux travaux ont permis, ces dix dernières années, d’impliquer trois protéines de régulation de la voie alterne du complément, le FH, la membrane cofactor protein (MCP ou CD46) et leFI, et deux protéines de la C3 convertase, le C3 et le facteur B (FB) dans la pathogénie du SHUa (1,2).
La possibilité d’un taux bas de C3 ou de FH, notée dès 1973, a été le premier argument orientant vers le rôle du complément, mais ce n’est qu’en 1998 que des mutations du FH ont été identifiées. Depuis, une centaine de mutations du FH ont été rapportées. Les mutations de FH sont en cause dans 20 à 30 % des SHUa. Un taux normal de C3 et de FH n’élimine pas la possibilité d’une mutation. Un grand nombre de mutations, le plus souvent dans les SCR 19 ou 20, modifient la fonction du FH sans modifier son taux circulant.
Les mutations de MCP, rapportées pour la première fois en 2003, semblent plus fréquentes dans les SHU à début pédiatrique et sont mises en évidence chez 9 à 15 % des patients. Celles du FI, décrites en 2004 par notre groupe, sont observées dans 2 et 10 % des cas.
En 2005, notre groupe a décrit des SHUa associés à la présence d’anticorps anti-FH (3,4). Ils représentent 10 % des SHUa chez l’enfant, mais sont exceptionnels chez l’adulte.
En 2008, des mutations du FB ont été découvertes. Elles sont très rares et ont la particularité d’être associées à un gain de fonction, c'est-à-dire une capacité du FB à interagir plus efficacement avec le C3b et donc à former une C3 convertase dont la durée de vie est plus longue.
A la même période, notre groupe a décrit les premières mutations de C3 (5). Le C3 muté perd sa capacité à se lier au FH et à MCP, laissant au FB la possibilité de former une C3 convertase alterne. Il s’agit donc aussi de mutations « gain de fonction ».
Enfin, récemment, des mutations ont été identifiées sur le gène de la thrombomoduline, protéine membranaire de la coagulation qui présente la particularité d’être un cofacteur du clivage de C3b (6).
(a) Service de néphrologie, hôpital Robert Debré, Paris ; (b) Service d’immunologie biologique, hôpital européen Georges Pompidou, Paris.
(1) Loirat C, et al. Pediatr Nephrol 2008; 23: 1957-1972.
(2) Kavanagh D, et al. Annu Rev Med 2008; 59: 293-309.
(3) Dragon-Durey MA, et al. J Am Soc Nephrol 2005; 16: 555-563.
(4) Skerka C, et al. Thromb Haemost 2009; 101: 227-232.
(5) Fremeaux-Bacchi V, et al. Blood 2008; 112: 4948-4952.
(6) Delvaeye M, et al. New Engl J Med 2009; 361: 345-357.
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