EN HÉMODIALYSE conventionnelle, le taux de mortalité des patients traités reste important, de l’ordre de 10 à 15 % par an. Depuis les débuts de la dialyse, la question de l’amélioration de la survie par des modifications techniques s’est posée. Parmi les modifications simples pouvant être apportées, le type de membrane utilisée dans le dialyseur, notamment la composition chimique et les performances de filtration, sont des facteurs importants. Les anciennes membranes cellulosiques ont progressivement été remplacées par des membranes synthétiques, plus biocompatibles et de plus en plus performantes en termes d’épuration.
L’hypothèse de départ de l’étude européenne prospective MPO ( Membrane Permeability Outcome) (1) était donc de savoir si les membranes synthétiques à haute performance d’épuration, dites à haut flux, permettraient d’augmenter la survie des patients en hémodialyse chronique par rapport à des membranes synthétiques de même composition mais de faible performance (bas flux). Des travaux antérieurs, rétrospectifs ou épidémiologiques, le laissaient supposer, mais il n’existait pas d’étude prospective ayant une puissance suffisante pour le démontrer.
Inclusion de patients hypoalbuminémiques.
Afin d’augmenter les chances de trouver un effet positif des membranes à haut flux, le groupe d’étude MPO a choisi de s’intéresser à des malades hypoalbuminémiques, à haut risque de mortalité. De même, pour éviter les biais de survie, les malades recrutés étaient des patients incidents, c’est-à-dire ayant commencé la dialyse depuis moins de 3 mois. Les patients recrutés ont été randomisés en deux groupes : un groupe traité avec des membranes synthétiques à haute perméabilité et l’autre groupe avec des membranes synthétiques à basse perméabilité, de même composition chimique. Près de 60 centres européens ont participé, la majorité des patients étaient italiens, espagnols ou français.
Si du fait de difficultés de recrutement initiales, les critères d’inclusion ont dû être élargis à des patients normoalbuminémiques, l’analyse principale a porté, comme initialement prévu, sur les 493 patients éligibles dont l’albumine sérique était ≤ 40 g/l. Le critère de jugement principal était la mortalité globale. Les critères secondaires étaient les complications, les hospitalisations et les décès de cause particulière (cardio-vasculaire, infectieuse ou nutritionnelle). Le suivi moyen des patients a été de 3,5 ans.
Il y a eu, toutes causes confondues, 132 décès pendant la période de suivi parmi les patients hypoalbuminémiques, ce qui correspond à un taux de mortalité de 8,8 % par an. Les résultats ont montré une réduction significative de la mortalité de 37 % dans le groupe traité par membrane à haute perméabilité par rapport au groupe traité par membrane à basse perméabilité.
Un bénéfice également chez les patients diabétiques.
Par ailleurs, tous les patients diabétiques (n = 158), ont été inclus dans une analyse de sous-groupe. Même si ces résultats doivent être considérés avec plus de précautions du fait du caractère post-hoc de l’analyse, il apparaît que l’utilisation de membranes à haute perméabilité est également associée, chez les patients diabétiques, à une réduction significative de 38 % de la mortalité par rapport aux membranes à basse perméabilité.
L’analyse des critères secondaires n’a pas fait apparaître de différence significative entre les deux groupes. En revanche, cette étude a permis de créer une base de données importante qui reste à être exploitée. Des analyses secondaires sont en cours. Mais ce qu’on peut d’ores et déjà retenir est la supériorité nette des membranes à haute perméabilité, en termes de survie, pour les patients hypoalbuminémiques et diabétiques, qui représentent la grande majorité des patients traités par dialyse chronique en Europe. En effet, d’après des données épidémiologiques nationales et internationales, 70 à 75 % des patients traités par dialyse seraient hypoalbuminémique et 25 à 45 %, selon les pays, seraient diabétiques.
Actuellement, en pratique quotidienne, ces membranes à haut flux sont les plus utilisées en France et dans beaucoup de pays européens. Elles représentent près de 70 % du marché. Cette utilisation était jusqu’à présent uniquement fondée sur un certain nombre d’indices de supériorité et sur leur meilleure capacité d’épuration. Cette étude permet de conforter les habitudes actuelles, en montrant que l’amélioration de l’épuration se traduit effectivement en avantages cliniques pour le patient. Elle permet également de justifier auprès des institutions le surcoût que représente leur achat.
D’après un entretien avec le Pr Thierry Hannedouche, CHU de Strasbourg.
(1) Locatelli F, Martin-Malo A, Hannedouche T, Loureiro A, Papadimitriou M, Wizemann V, Jacobson SH, Czekalski S, Ronco C, Vanholder R; Membrane Permeability Outcome (MPO) Study Group. Effect of membrane permeability on survival of hemodialysis patients. J Am Soc Nephrol 2009;20(3):645-54. Epub 2008 Dec 17.
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