Alors que le dépistage du cancer de la prostate par les PSA reste très controversé en raison du risque de surtraitement, l'IRM multiparamétrique (IRM-mp) pour affiner le diagnostic fait son chemin ces dernières années.
Dans « The New England Journal of Medicine », l'étude PRECISION menée dans 11 pays montre, chez 500 hommes à risque de cancer de la prostate, l'intérêt de réaliser une IRM-mp avec ou sans biopsies par rapport au standard actuel reposant sur 10 à 12 biopsies systématiques.
Conçue comme de non-infériorité, l'étude randomisée a pu conclure à la supériorité de la stratégie basée sur l'IRM-mp, avec un cancer cliniquement significatif (Gleason ≥7) détecté dans 38 % des cas (n = 95/252) par rapport à 26 % (n = 64/248) dans le groupe standard. Dans le même temps, il y a eu significativement moins de cancers cliniquement non significatifs dans le groupe IRM-mp que dans le groupe standard. Comme précédemment dans l'étude PROMIS, plus d'un quart des participants du groupe ont échappé aux biopsies du fait d'une imagerie négative.
L'IRM en première intention
Pour le Pr Olivier Rouvière, radiologue aux Hospices Civils de Lyon, l'étude PRECISION enfonce le clou sur la montée en puissance de l'IRM-mp. « On va vers la réalisation d'une IRM-mp à tout le monde, explique-t-il. L'IRM sensibilise les biopsies, c'est une certitude qui ébranle même les urologues les plus conservateurs ». En France, si l'IRM-mp est de plus en plus réalisée, l'Association française d'Urologie (AFU) ne la place pas en 1re intention dans ses dernières recommandations de 2016.
Étaient inclus dans l'étude les patients ayant un taux de PSA élevés (mais <20 ng/ml), un toucher rectal (TR) anormal ou les deux, et n'ayant jamais eu de biopsies prostatiques auparavant. Les participants étaient âgés en moyenne de 65 ans dans les deux groupes. Le taux de PSA médian était de 6,75 ng/ml dans le groupe IRM-mp et de 6,50 ng/ml dans le groupe biopsies standard, un TR anormal retrouvé respectivement dans 14 % et 15 % des cas, un antécédent familial dans 19 % et 16 % des cas.
Sur les 25 centres de radiologie participants, seuls certains étaient des centres experts et chacun était libre d'appliquer son propre protocole. « C'est un point très intéressant, souligne Olivier Rouvière. Il est souvent avancé que les études sur l'IRM-mp, le plus souvent menées en centres experts, donnent une vision biaisée des choses, partant du principe que les centres de ville feraient moins bien. L'étude PRECISION livre ici une photographie de la vraie vie ».
La réalisation de la biopsie pendant l'IRM est la technique la plus directe, mais n'a pas été choisie dans l'étude. Dans l'étude, les résultats de l'IRM-mp étaient utilisés pour guider les biopsies réalisées sous écho, soit par une méthode dite d'enregistrement visuel, soit par une technique de fusion d'images IRM/écho en temps réel.
Un quart des participants du groupe IRM-mp n'ont pas eu de biopsies au vu d'une imagerie négative. Faut-il utiliser l'IRM-mp comme outil de tri ? Les auteurs défendent l'approche ciblée mettant en avant leurs résultats de sensibilité et de biopsies évitées, mais les points de vue sont partagés.
Débat sur la meilleure stratégie
« L'étude PRECISION soulève deux débats sur l'IRM-mp, développe Olivier Rouvière. L'IRM-mp comme outil pour sensibiliser le diagnostic mais aussi comme outil de tri. Mais l'étude PRECISION n'a pas évalué ce que donnait l'option IRM-mp avec biopsies guidées + systématiques. Est-ce que cette approche ne détecterait pas davantage de cancers ? ». Les éditorialistes, qui d'un côté invitent à la prudence et considèrent les résultats de PRECISION comme intermédiaires, mettent en garde contre « le leurre d'une sensibilité plus grande », écrivent-ils. Selon eux, cela aurait pour conséquence « d'augmenter le ratio bénéfices/risque du dépistage » et de rendre celui-ci « encore moins coût-efficace ».
Pour le Pr Rouvière, il est important de faire la distinction entre deux notions différentes, celle de sensibilité et de valeur prédictive négative (VPN). « Il y a souvent une confusion, développe-t-il. Il faut prendre en compte la prévalence pour la VPN ! Même avec une bonne sensibilité, la VPN est mauvaise dans le groupe des patients très à risque. Il faut intégrer d'autres paramètres que l'IRM seule pour décider de faire ou pas des biopsies, par exemple le taux de PSA ou l'âge. Ma conviction est que l'IRM seule n'est pas suffisante pour éliminer un cancer cliniquement significatif ».
Depuis PROMIS, d'autres résultats sont attendus pour conditionner la place de l'IRM-mp dans la prise en charge du cancer de la prostate. L'étude MRI-first, assez proche de PRECISION et coordonnée par le Pr Rouvière doit ainsi être publiée sous peu.
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