COMME LE rappelle le Pr Faiez Zannad, « les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de mortalité chez les patients atteints d’insuffisance rénale ; elles sont responsables de plus de la moitié des décès en cas d’insuffisance rénale terminale ». Les sujets hémodialysés présentent entre 10 et 20 fois plus de maladies cardio-vasculaires que les témoins de même âge non insuffisants rénaux. Or, ces malades sont exclus des essais cliniques, notamment en raison des modifications pharmacocinétiques liées à leur insuffisance rénale. Si bien que l’on ne dispose d’aucune donnée sur le rapport bénéfice-risque des médicaments prescrits couramment chez ces patients dans le cadre de la prévention cardio-vasculaire. « Leur utilisation est donc purement spéculative, à partir d’extrapolations hasardeuses », souligne le Pr Zannad. La situation pourrait évoluer grâce à la mise en place récente de quelques grands essais de prévention cardio-vasculaire dans cette population à haut risque.
FOSIDIAL a été la première étude randomisée menée chez des hémodialysés pour évaluer l’efficacité d’un IEC, le fosinopril. Ses résultats indiquaient un bénéfice du fosinopril, mais tout juste statistiquement significatif après ajustement, sans doute en raison du nombre limité de patients, précise le Pr Zannad qui a conduit cet essai avec des investigateurs français.
Une étude de plus grande ampleur, AURORA (1), a, à son tour, été mise en uvre pour évaluer l’efficacité d’une statine, la rosuvastatine. Il s’agissait d’un essai international, multicentrique, randomisé, ayant inclus 2 776 patients hémodialysés, âgés de 50 à 80 ans. Le critère de jugement principal était un indice composite associant les décès d’origine cardio-vasculaire, les infarctus du myocarde et les AVC non mortels. Après trois mois de traitement, les patients sous rosuvastatine ont présenté une baisse de 43 % de leur LDL cholestérol. Au cours des 3,8 années de suivi moyen, 396 patients sous rosuvastatine et 408 sous placebo ont atteint le critère de jugement principal, ce qui correspond, respectivement, à 9,2 et 9,8 événements pour 100 patients-années, une différence non statistiquement significative. Conclusion, chez les patients hémodialysés, la rosuvastatine n’a pas d’effet sur la mortalité cardio-vasculaire, ni sur la survenue d’infarctus du myocarde ou d’AVC. Des résultats décevants, d’autant que l’analyse des sous- groupes de patients n’a pas non plus été concluante, note le Pr Zannad.
Comment expliquer l’absence d’effet cardioprotecteur de cette statine chez ces patients ?
Sans doute par une action paradoxale de l’hypercholestérolémie observée chez les insuffisants rénaux : il semble en effet qu’un taux élevé de cholestérol ait un certain effet protecteur. Si la baisse du cholestérol induite par les statines n’est pas associée à une diminution de la morbi-mortalité cardio-vasculaire, ces médicaments pourraient néanmoins avoir un impact chez certains patients, notamment par leur action anti-inflammatoire, estime le Pr Zannad. Des analyses complémentaires de l’étude AURORA sont d’ailleurs en cours, pour établir les conditions dans lesquelles le traitement par statine pourrait être bénéfique au sein de cette population d’hémodialysés.
En pratique, en attendant ces résultats et ceux d’un important essai en cours, SHARP, il n’y a pas lieu de commencer un traitement par statine chez les patients hémodialysés qui ne sont pas encore traités. En revanche, il n’est pas recommandé, à l’heure actuelle, d’arrêter ce traitement s’il a été prescrit avant l’entrée en hémodialyse compte tenu de sa très bonne tolérance.
Dr MARINE JORAS
D’après un entretien avec le Pr Faiez Zannad, responsable du Centre d’investigation clinique, CHU de Nancy
(1) Fellström BC, et coll. N Engl J Med 2009;360:1455-7.
Le Pr Zannad est membre du Comité de coordination de l’étude AURORA menée par le laboratoire AstraZeneca
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