SANTÉ PUBLIQUE

Cancer du col : le dépistage s’organise enfin

Publié le 27/01/2017
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Réclamé depuis 30 ans, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus est en passe de se déployer selon le calendrier du dernier Plan cancer. Son objectif : atteindre les 40 % de femmes qui ne bénéficient pas d’un dépistage individuel.
Frottis

Frottis
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Priorité du Plan cancer 2014-2019, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus devrait être généralisé courant 2018, c’est-à-dire presque 30 ans après le lancement des premières expérimentations. « Cela fait des années qu’on en parle, confirme le Pr Jean Gondry (CHU d’Amiens), président de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV). Les pays qui ont les taux les plus bas de cancer du col sont ceux où le dépistage est parfaitement organisé avec des taux de participation de 80 ou 90 %. Dans les Hauts-de-France, ma région, 30 % seulement des femmes de 25 à 65 ans ont un frottis tous les 3 ans. »

Sur l’ensemble de la France, 40 % des femmes, en moyenne, n’ont pas eu de frottis depuis plus de 3 ans. Le dépistage organisé sera ciblé sur ces femmes qui recevront des invitations à réaliser des frottis. Des structures régionales de « préfiguration » ont été désignées en 2016 et un cahier des charges national sera publié fin 2017.

Pourquoi un tel retard ?

Le dépistage organisé était déjà recommandé par le Conseil de l'Union Européenne en 2003 et, en France, par le Haut Conseil de la santé publique en 2007. Dès 1995, l'Andem devenu Anaes puis HAS, préconisait un frottis tous les 3 ans entre 25 et 65 ans (après deux frottis négatifs à un an d'intervalle). La raison de cette inertie semble essentiellement économique. « Le dépistage organisé ne se limite pas à l’envoi des invitations, remarque le Pr Gondry. Les structures en charge du dépistage doivent assurer aussi le suivi des résultats, vérifier si la patiente a bien eu son frottis et, en cas d’anomalie, si elle a bénéficié d’une prise en charge satisfaisante. C’est un investissement important. Jusque-là on a préféré axer les dépenses sur des cancers beaucoup plus fréquents, comme les cancers du sein ou du côlon. »

Les preuves d’efficacité

Publié à l’occasion de la semaine européenne de prévention du cancer du col de l’utérus, le dernier BEH dresse un bilan des expérimentations de dépistage organisé. Ainsi, une investigation menée dans 13 départements pendant 3 ans indique que le taux de couverture est augmenté de 12 points, pour atteindre 62 %, grâce au programme d’invitation/relance des femmes n’ayant pas eu de dépistage individuel.
Selon un essai réalisé en Indre-et-Loire, l’envoi d’un kit d’autoprélèvement pour un test HPV aux femmes n’ayant pas répondu à la première invitation permet de faire accéder au dépistage 10 à 15 % de femmes supplémentaires (22,5 % contre 11,7 % pour un simple courrier de relance).

Le dépistage organisé devrait être ainsi en mesure de réduire les inégalités d’accès aux soins, qu’elles soient liées à la faible densité médicale, à l’âge ou aux difficultés socio-économiques.

Le généraliste est au centre du dispositif puisque dans la majorité des projets déposés dans les Agences régionales de santé, le courrier adressé aux femmes ayant échappé au dépistage individuel les invite à consulter leur médecin traitant pour que celui-ci fasse lui-même les frottis ou les oriente vers un autre professionnel (gynécologue, sage-femme, LAM). Un frottis positif conduit quasiment toujours à une colposcopie après, éventuellement, un test HPV. Une carte géographique des professionnels formés à la colposcopie et adhérant à la charte de qualité en colposcopie peut être consultée sur le site de la SFCPCV.

Le duo FCV/vaccin anti-HPV

Dans leur éditorial du BEH, François Bourdillon, directeur général de Santé Publique France, et Norbert Ifrah, président de l’INCa, appelaient à relancer également la vaccination contre le HPV « en veillant à sa complémentarité avec le dépistage ». L’un des intérêts de la vaccination serait de diminuer l’impact des conisations. « Chaque année? entre 25 000 et 30 000 conisations sont pratiquées en France, constate le Pr Gondry, et on considère que 1 000 enfants décèdent en raison d’une prématurité liée à ce geste. Beaucoup trop de conisations sont réalisées pour des lésions virales de bas grade qui sont de simples verrues. Répétons que les frottis ne sont pas nécessaires avant 25 ans, sauf signe d’appel particulier. Les lésions cervicales régressent généralement spontanément à cet âge. Les dépister conduit à des surtraitements. »

Autre argument en faveur de la vaccination, « environ 20 % des femmes ayant un cancer invasif avaient eu un frottis négatif dans les 3 ans précédant le diagnostic », observe le Pr Gondry. Plus de 1 000 femmes en France meurent chaque année de ce cancer. « C’est d’autant plus choquant qu’il s’agit souvent de femmes jeunes, remarque le Pr Gondry. Le pic d’incidence du cancer du col est à 41 ans Cette pathologie pourrait quasiment disparaître en France si on avait une politique organisée de vaccination des filles de 11 à 14 ans et de dépistage des femmes de 25 à 65 ans. »

Dr Isabelle Leroy

Source : Le Généraliste: 2782