Cardiologie

La revascularisation artérielle périphérique gagne du terrain

Publié le 15/11/2013
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Le CNCF (Collège National des Cardiologues Français) fêtait ses 25 ans à Nice. Au programme, les avancées en cardiologie passées dans la pratique ou susceptibles d'y être rapidement appliquées. Si les interventions sur les valves gardent la vedette, la revascularisation périphérique progresse à grand pas. Mais les innovations technologiques ne doivent pas faire oublier la bonne gestion de molécules connues.

« Les nouvelles techniques de revascularisation?distale constituent une véritable révolution dans la prise en charge de l'artérite, en particulier pour le sauvetage de membre dans l'ischémie critique », se félicite Massimiliano Di Primio (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris). La majorité des artéritiques (60%) sont des diabétiques, difficiles à revasculariser du fait de la localisation sous-poplitée des lésions, du mauvais état du lit d'aval avec des artères souvent calcifiées et du nombre élevé de resténoses.

La revascularisation par pontage chirurgical est restée longtemps l’option thérapeutique de référence malgré ses limites liées à l'état loco-régional ou général. L'angioplastie a fini par s'imposer comme la méthode de revascularisation de choix : la morbi-mortalité est faible et les résultats sur le sauvetage de membre souvent supérieurs à ceux de la chirurgie classique. «?Avec le développement du matériel dédié aux axes jambiers, les progrès de la radiologie interventionnelle dans les lésions sous-gonales et la pratique des gestes endovasculaires sous anesthésie locale, les patients non revascularisables deviennent rares », confirme le

Pr Emmanuel Messas (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).

L'angioplastie endoluminale en sous-poplitée peut se réaliser sous échographie Doppler. Après un an, la perméabilité est de 55%?; en cas d'ulcère de jambe, le taux de cicatrisation peut aller jusqu'à 91% lorsque l'artère revascularisée est liée à la plaie et à 38% après revascularisation d'une artère «?indirecte ». Les stents infra-poplités sont réservés aux sténoses persistantes après pontage distal, aux échecs d'une dilatation prolongée, à une dissection artérielle. Les ballons actifs sont actuellement très en vogue. La resténose à 3 mois est de 69% après ballon simple et de 27% après ballon actif; le taux de sauvetage de membre est de 96% et celui de cicatrisation d'un ulcère de jambe de 74%. Les resténoses et ré-occlusions sont moins importantes et moins graves avec les stents actifs mais leur coût les limite aux resténoses. «?Ballons actifs infra-poplités/stents actifs semblent réduire la resténose mais il reste à justifier leur utilisation en prouvant

qu'ils diminuent le nombre d'amputations?», avertit le Dr Di Primio.

La recanalisation sous-intimale, plus récente, est proposée aux patients âgés qui ne pourraient bénéficier d’un pontage ou d'une angioplastie conventionnelle. Décrite par Bolia, elle consiste à passer en sous-intimal dans la paroi artérielle?; elle rétablit la perméabilité à 80% dans l'immédiat, et à 70% et 50% respectivement à 3 ans et à7 ans.

D'autres techniques permettent de revasculariser de façon de plus en plus distale jusqu'au-dessous de la cheville : ainsi l'angioplastie rétrograde par voie pédieuse (en descendant par la tibiale antérieure, on peut ainsi reprendre l'arcade plantaire au niveau du pied pour la relier à la tibiale postérieure). La revascularisation peut même être poussée jusqu'au niveau de l'artère interdigitale qui peut maintenant être

dilatée.

Stents coronaires résorbables : l'éternel retour

La recherche sur les stents biodégradables, qui semblaient pouvoir répondre à la problématique de la resténose et de la thrombose, a été quelque peu gommée par la réussite des stents actifs.

«?Toute la difficulté est de définir la vitesse d'élimination optimale du stent permettant à l'artère de cicatriser tout en évitant les sténoses », explique le Dr Jean-Paul Rinaldi (Monaco). On utilise généralement?des?matériaux comme l'acide L polylactique qui se dégrade progressivement pour aboutir à du CO2 et de l'O2, évacués par la respiration. Certains stents sont tapissés à l'intérieur d'acide salicylique ou de sirolimus. Les plus anciens stents résorbables sont japonais et, avec 10 ans de recul, donnent d'excellents résultats.

Actuellement, les stents biodégradables Abbott ont montré dans les études ABSORB l'absence de thrombose de stent à 6 mois et des résultats identiques aux stents actifs de dernière génération en ce qui concerne la resténose. En limitant les phénomènes thrombotiques, ce type de stent permet vraisemblablement de diminuer la durée de la double anti-agrégation plaquettaire; après leur résorption, ils assurent une restauration de la vasomotricité coronaire et ne gênent pas un geste coronaire ultérieur. En revanche, ils sont radio-transparents – des marqueurs sont nécessaires pour les visualiser – et la technique de pose est assez délicate. Les coûts sont encore importants mais devraient baisser.

Bêtabloquants et diurétiques : nouvelles précisions sur de «?vieux?» médicaments

La contre-indication des bêta-bloquants chez les patients atteints de BPCO se base sur des études datant des années 1980. Des méta-analyses plus récentes montrent qu'il n'y a aucune indication à arrêter les bêta-bloquants, sélectifs ou non, en cas d'exacerbation de BPCO. Une attitude encore trop pratiquée, alors que tous les essais montrent qu'ils sont non seulement bien tolérés mais qu'ils baissent significativement la mortalité après ces épisodes d'exacerbations. Ils se justifient d'autant plus qu'on a constaté une augmentation du risque d'évènements cardiovasculaires graves – comme les infarctus du myocarde – dans les 15 jours suivant une exacerbation.

Le suivi à long terme de sujets BPCO recevant des bêta-bloquants pour des pathologies cardiovasculaires, qu'il soient ou non cardio-sélectifs, met par ailleurs en évidence une réduction de la mortalité ainsi que du nombre d'exacerbations. «?Il n'y a aucune raison valable pour arrêter ou ne pas prescrire un bêta-bloquant en cas de BPCO, ni d'ailleurs pour changer un non-sélectif pour un sélectif », conclut le Pr Charles-Hugo Marquette (Nice). De très larges études de cohorte indiquent clairement que le rapport bénéfice/risque est en faveur des bêta-bloquants : ils restent formellement contre-indiqués selon le Vidal, mais ne figurent plus dans la version 2013 du Collège des Enseignants de Pneumologie Française. «?La seule vraie contre-indication serait en fait l'asthme non contrôlé », indique le Pr Marquette.

Pour Patrick Jourdain (Pontoise), une meilleure gestion des diurétiques pourrait limiter les hospitalisations pour décompensation de l'insuffisance cardiaque. «?On gardera toujours à l'esprit que la réponse diurétique dépend de la fonction rénale et que la posologie doit être augmentée si la clairance est inférieure à 15ml pour obtenir l'effet natriurétique souhaité. » Chez un patient résistant aux diurétiques, il faut augmenter les diurétiques de l'anse jusqu'à 120 mg puis, éventuellement, changer pour le buténamide qui malgré le manque d'essais randomisés semble intéressant. Il est aussi possible d'associer au furosémide pendant 3 jours un thiazidique qui limite la réabsorption de sodium (mais il est inefficace en cas d'insuffisance rénale).

Quant aux anti-aldostérones qui réduisent la quantité d'eau et de sodium éliminée et la réabsorption du K, ils devraient être déjà prescrits chez 30% des patients.

«?On ne négligera pas non plus les "petits moyens" comme la limitation des apports sodés, le dépistage de l'hyponatrémie qui réduit l'efficacité du diurétique, ni la lutte contre la dénutrition et la fonte musculaire. La difficulté est ensuite de savoir retourner aux doses minimales de diurétiques. »

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr