Fibrillation atriale : le diltiazem augmente le risque de saignements sévères chez les patients traités par anticoagulants oraux directs

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Publié le 18/04/2024
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Une étude parue dans le Jama a comparé le risque d’hémorragie sévère de patients présentant une fibrillation atriale, entre ceux traités par diltiazem et ceux par métoprolol en association aux anticoagulants oraux directs.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le diltiazem, cet inhibiteur calcique prescrit en première ligne dans la fibrillation atriale (FA) persistante, est-il réellement associé à un risque accru d’événements hémorragiques sévères ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre des médecins américains dans une étude publiée dans le Jama.

Il est connu que cet inhibiteur calcique inhibe l’élimination des anticoagulants oraux directs (AOD), augmentant ainsi le risque hémorragique. Les auteurs ont ainsi comparé, chez des patients ayant une FA et traités par AOD (apixaban ou rivaroxaban), le risque de saignements sévères avec le diltiazem par rapport à une alternative par bêtabloquant avec le métoprolol. Leur étude montre que le diltiazem augmente le risque d’hospitalisation pour saignements ou de décès avec hémorragie récente (critère principal composite), en comparaison au métoprolol. Le risque d’événement hémorragique (critère secondaire) était particulièrement important pour des doses > 120 mg par jour.

Un risque de saignement dose-dépendant

Cette étude rétrospective a inclus 204 155 patients atteints de FA (âge médian 76,9 ans, 52,7 % de femmes, suivi médian de 120 jours) commençant un traitement par AOD (33,4 % par rivaroxaban et 66,6 % par apixaban), mais également un traitement de contrôle de la fréquence cardiaque, soit par diltiazem (n = 53 275), soit par métoprolol (n = 150 880). Concernant la posologie, 78,5 % de la cohorte prenaient une dose standard d’AOD et 48,6 % de ceux traités par diltiazem avaient une dose prescrite inférieure ou égale à 120 mg/jour.

Les patients du groupe diltiazem étaient plus susceptibles de commencer un traitement contrôleur dans les trente jours après l’introduction des anticoagulants et d’être des femmes, tandis qu’ils l’étaient moins d’avoir un infarctus du myocarde (IDM) ou une revascularisation. Enfin, ces patients avaient plus fréquemment des antécédents de bronchopneumopathie chronique obstructive (BCPO), d’oxygénothérapie à domicile ou un séjour récent à l’hôpital.

Durant le suivi, 83,4 et 82,6 % des patients, respectivement dans les groupes diltiazem et métoprolol, ont pris l’antiarythmique et les AOD de façon concomitante.

Au terme du suivi de 90 927 personnes-années (PA), les auteurs retrouvent un risque augmenté pour le critère principal dans le groupe diltiazem (10,6/1 000 PA, HR = 1,21) par rapport au groupe métoprolol. Une augmentation qui concerne aussi bien les hospitalisations pour saignement (8,2/1 000 PA, HR = 1,22) que les décès avec saignement récent (2,4/1 000 PA, HR = 1,19). Ils retrouvent également un risque dose-dépendant puisque les patients prenant une dose supérieure ou égale à 120 mg/j présentaient un risque plus élevé (15,1/1 000 PA, HR = 1,29) que ceux avec une plus petite dose (6,7/1000 PA, HR = 1,13). Enfin, les patients sous rivaroxaban présentaient un risque plus élevé que les patients sous apixaban (21,2 versus 12/1 000 PA).

Le diltiazem reste un traitement intéressant

Pour les auteurs, cette étude incite à surveiller les patients traités diltiazem et également par apixaban ou rivaroxaban, et particulièrement « les patients à haut risque, y compris les plus âgés, aux antécédents de saignements, traitements ultérieurs pro-hémorragiques, ou traitement par rivaroxaban ». Enfin, ils précisent que « bien que les bêtabloquants, la première alternative pour le contrôle du rythme dans la FA, puissent être prescrits pour les patients à risque, le diltiazem présente des avantages […] : il offre un meilleur contrôle du rythme et des symptômes d’arythmie, et est préféré pour l’hypertension ». Et contrairement aux bêtabloquants, il ne présente pas « de contre-indications relatives pour les patients avec une maladie pulmonaire obstructive chronique et bronchospasme », mentionnent les auteurs. Par conséquent, de nombreux patients vont continuer à être traités par diltiazem et AOD ; la molécule ne serait donc pas à bannir à l’avantage des bêtabloquants, mais implique une surveillance plus rapprochée du risque hémorragique.


Source : lequotidiendumedecin.fr