Parmi les conséquences de l’obésité et du surpoids sur l’organisme, les troubles urinaires ne sont pas en reste. L'excès de poids intervient principalement dans la physiopathologie de l’incontinence urinaire, avec un lien net entre IMC et risque d’incontinence urinaire, mis en évidence par nombreux travaux épidémiologiques. Dans la vaste étude Epincont, menée sur plus de 28 000 femmes norvégiennes, toute augmentation de cinq unités de l’IMC va de pair avec une augmentation de 20 à 70 % du risque d’apparition de fuites urinaires quotidiennes, selon les études. L’association est prépondérante pour l’incontinence urinaire mixte et l’incontinence urinaire d’effort, plus ténue concernant l’urgenturie et l’hyperactivité vésicale.
Parmi les explications sur le lien entre incontinence urinaire et obésité, celle dite « mécaniciste » semble tomber sous le sens : l’augmentation de la pression intra-abdominale et du diamètre sagittal de la cavité abdominale altérerait le plancher pelvien en entraînant des lésions musculo-tendineuses et nerveuses. De plus, l’augmentation de la pression abdominale serait transmise à la vessie, entraînant une hyperpression vésicale ainsi qu’une augmentation de l’hypermobilité urétrale.
L’autre piste explicative est suggérée par le lien épidémiologique entre syndrome métabolique et incontinence urinaire. « L’hyperglycémie (associée à l’obésité, ndlr) agirait sur les neurones parasympathiques des relais ganglionnaires pelviens impliqués dans la tonicité du détrusor et du sphincter urétral, détaille le Pr Pierre Costa (hôpital universitaire Carémeau, Nîmes). D’où un dysfonctionnement de la motricité vésicale aboutissant à une hypocontractilité. D'autres facteurs sont incriminés : l’artériosclérose des vaisseaux pelviens conduisant à une ischémie chronique de la vessie, d’où une hyperactivité vésicale ; l’existence d’une neuropathie diabétique responsable d’une atteinte neurogène sensitive vésicale ainsi que l’hyperinsulinémie (diminution de la sensibilité vésicale, hypocontractilité). Enfin, le déterminant physiopathologique commun entre obésité et troubles fonctionnels urinaires est probablement une dysrégulation générale du système nerveux autonome. »
Peu d’impact sur le traitement de l’incontinence urinaire
Pour autant, l’obésité ne contre-indique ni ne complique la rééducation périnéale, traitement de première ligne dans l’incontinence urinaire d’effort ou mixte. Elle ne contre-indique pas non plus le traitement médical de l’hyperactivité vésicale où aucune étude n’a distingué différents profils de réponse des anticholinergiques en fonction de l’IMC. Quant à « la chirurgie d’incontinence d’effort par bandelettes sous-urétrales, elle convient aux patients en surpoids du fait du geste mini-invasif », précise le Dr Loïc le Normand (CHU de Nantes). Concernant les résultats à court, moyen et long terme, les études se contredisent et une récente publication retrouve un impact négatif du fait du surpoids. Cependant, il ne ressort pas chez les patients obèses de risque augmenté de plaie vésicale, d’hémorragie, d’infections urinaires, de sepsis post-opératoire ou même de dysurie. En revanche, « l’indication du sphincter artificiel dans l’incontinence urinaire d’effort est problématique, modère-t-il, tant pour la pose que pour la manipulation de la pompe. Il a de plus été montré que le facteur d’érosion prothétique augmente légèrement avec l’IMC ».
La prostate trinque aussi
Si l’obésité intervient surtout dans la physiopathologie de l’incontinence urinaire, la prostate est elle aussi concernée. Selon les études conduites dans l’adénome de prostate, la perte de poids, la baisse du taux de PSA et l’amélioration des troubles mictionnels sont corrélés. « Cela passerait par l’inflammation à bas bruit, détaille le Pr Pierre Costa (hôpital universitaire Carémeau, Nîmes), entretenue par la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires par le tissu graisseux. Même chose dans le cancer de prostate où l’inflammation générée favoriserait l’agressivité et la promotion tumorale ».
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