Aux États-Unis, les inégalités grèvent d’au moins cinq ans l’espérance de vie des plus pauvres

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Publié le 30/01/2024
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Crédit photo : GARO/PHANIE

« Les États-Unis sont un cas unique parmi les pays développés, de par son degré d'inégalité et ses mauvais résultats en termes de santé publique. » Voilà ce qu'affirment les chercheurs de l'hôpital général de Boston dans un article du Jama Internal Medicine dans lequel ils tentent de répondre à la question suivante : que se passerait-il si on appliquait le niveau de redistribution des richesses du Japon, considéré par l'OCDE comme le pays développé le plus équitable dans la répartition de ses richesses ? La réponse : une espérance de vie augmentée de 2,2 ans et un meilleur accès aux soins.

Les chercheurs ont, pour leur démonstration, récupéré les données de survie et de santé des 35 164 participants à l'étude « Health and Retirement Study » menée dans l'ensemble du pays entre 1992 et 2018. Dans un premier temps, ils ont calculé qu’à âge égal, les personnes appartenant au décile le plus riche de la population ont un risque de décès diminué de 41 %, par rapport à ceux qui appartiennent au décile le plus pauvre, soit une espérance de vie augmentée de 13,5 ans. Une différence qui a probablement dû évoluer à la suite de l'épidémie de Covid, supposent les auteurs.

Redistribution des frais de succession

Selon leur analyse, une distribution des richesses « parfaite » augmenterait l'espérance de vie médiane de 2,2 ans sur l'ensemble du pays et supprimerait la différence de mortalité liée aux revenus. Les chercheurs précisent que la simple mise en place de frais de succession et leur redistribution augmenteraient l'espérance de vie de 1,7 an. Une redistribution des richesses équivalente à celle du Japon augmenterait cette espérance de vie de 1,2 an, et des aides pour les foyers avec enfants, augmenterait l'espérance de vie d’un an. Sans surprise, les personnes appartenant au décile le plus pauvre de la population sont ceux qui bénéficieraient le plus d'une meilleure redistribution des richesses, puisque leur gain d'espérance de vie serait compris entre 5,3 et 8,8 ans.

Cette amélioration de la longévité est notamment liée à une meilleure prise en charge des maladies cardiovasculaires et de l'asthme via l’amélioration de la qualité des logements, un meilleur financement des écoles, de plus grandes facilités d'accès à une nourriture saine et aux soins dentaires, et une protection des employés renforcée.

Le fardeau de l’insécurité alimentaire

Dans le même numéro du Jama Internal Medicine, des épidémiologistes des universités de la Nouvelle-Orléans, d'Utrecht (Pays-Bas) et de l'école Chan de médecine (Massachusetts) ont étudié la surmortalité liée à l'insécurité alimentaire aux États-Unis. Ils ont pour cela utilisé les données des enquêtes nationales annuelles sur la santé et la nutrition entre 1999 et 2018, croisées avec celles de l'indice national de mortalité jusqu'en 2019.

En tout, ce sont les données de 57 404 adultes qui ont pu être exploitées, dont 31,4 % d'Afro-Américains, 18,2 % de participants d'origine mexicaine, 8,1 % de participants ayant une origine hispanique autre, suivis pendant 9,3 ans en durée médiane.

Les auteurs ont documenté 4 263 décès prématurés. Par rapport aux personnes ayant une sécurité alimentaire complète, les participants ayant une insécurité alimentaire « marginale » ont un risque de décès prématuré majoré de 50 %, ceux ayant une sécurité alimentaire « faible » 44 % de risque en plus, et ceux ayant une sécurité alimentaire « très faible » 81 % de risque en plus.

L'espérance de vie à 50 ans est diminuée de 2,6 ans dans le groupe ayant une insécurité alimentaire marginale, 2,5 ans dans le groupe ayant une sécurité alimentaire faible, et 4,5 ans dans le groupe ayant une insécurité alimentaire très faible. L'association avec la surmortalité prématurée semble plus forte chez les femmes que chez les hommes, et également plus forte chez les hommes blancs que chez ceux appartenant à la communauté afro-américaine ou mexicaine. Ces résultats « soulignent l'importance d'améliorer la sécurité alimentaire en promouvant l'équité entre les populations », estiment les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr