Tabagisme

Pas assez de preuves pour préconiser le vapotage comme outil de sevrage, selon le HCSP

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Publié le 04/01/2022
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Dans un avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) estime que le vapotage ne peut pas être proposé en consultation comme un outil de sevrage, faute de preuve. Pour autant, les experts ne ferment pas complètement la porte à cet usage en dehors du système de soin.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Alors que les autorités sanitaires britanniques ont récemment fait le buzz en annonçant que la cigarette électronique pourrait bientôt obtenir le statut de médicament Outre-Manche, en France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publie ce mardi un avis qui tend plutôt à réfréner le recours au vapotage dans un cadre médical.

« Les professionnels de santé qui accompagnent un fumeur dans une démarche de sevrage tabagique, se doivent d’utiliser des traitements ayant prouvé leur efficacité », estime le HCSP. Or « les connaissances fondées sur les preuves sont insuffisantes pour proposer les systèmes électroniques de délivrance de la nicotine (Seden) » dans ce contexte, concluent les experts.

Pas de données solides sur le bénéfice-risque

Concernant l’efficacité de la cigarette électronique comme outil de sevrage, « le nombre d’essais est faible et leur qualité méthodologique est inférieure à celle recommandée pour de tels essais thérapeutiques », juge le haut Conseil. Ainsi, selon la revue de littérature effectuée par le HCSP, aucune étude comparant en double aveugle cigarette électronique avec et sans nicotine (considérée comme placebo), ne montre de différence significative entre les deux. Les résultats des études évaluant Seden versus "conseils" sont quant à eux « peu fiables », tandis que les comparaisons aux traitements de substitutions nicotiniques sont en ouvert (sans insu), donc « potentiellement biaisées ». Par ailleurs, les deux principales méta-analyses réalisées sur ce sujet (Harmann-Boyce et al. 2021 et Health Research 2020) affichent des résultats contradictoires. Enfin, le recueil des effets indésirables « n’est pas systématique et faiblement documenté ».

Cette insuffisance méthodologique « résulte en une incertitude quant au rapport bénéfice/risque des Seden » comme outil de sevrage, estime le HCSP. Les données ne sont pas plus solides concernant l’intérêt du vapotage comme outil de réduction des risques liés au tabac « et ne peuvent pas à ce jour être présentés comme tel ».

Ainsi, même si « l’hypothèse est forte que les Seden pourraient devenir des traitements de substitution nicotinique de première ligne », le HCSP écarte pour le moment leur usage dans un cadre médical. Sauf peut-être pour les publics vulnérables (en raison de co-addiction, de comorbidités, de facteurs sociaux…) à forte dépendance nicotinique, ayant exprimé une préférence pour les Seden et présentant une faible adhésion aux traitements validés.

Quid de l'usage grand public ?

Par ailleurs, alors que selon plusieurs analyses du Baromètre santé, les Seden font partie des aides les plus fréquemment utilisées pour arrêter de fumer, l’avis ne ferme pas complètement la porte à leur usage en population, « en dehors (ou en complément) d’une prise en charge dans le cadre du système de soin ». L’absence des connaissances fondées sur les preuves « n’exclut pas que ces produits utilisés hors système de santé puissent représenter une aide pour certains consommateurs et contribuer ainsi à améliorer leur santé ».

En revanche, le HCSP déconseille l’utilisation de cigarettes électroniques (avec ou sans nicotine) chez la femme enceinte fumeuse « en l’absence de données sur l’efficacité, et par principe de précaution en l’absence de données sur les risques ».

Ces recommandations rejoignent les conclusions récentes de l’OMS. Dans un rapport sur le tabagisme publié en 2021, l’organisation jugeait le rôle potentiel des Seden dans l’arrêt du tabac « encore non-concluant ». De même, pour l’US Preventive Services Task Force, « les preuves sur l’utilisation des cigarettes électroniques pour le sevrage tabagique chez les adultes, y compris les femmes enceintes, sont insuffisantes, et la balance des avantages et des inconvénients ne peut pas être déterminée ».

Le mythe de la cigarette électronique médicament

Dans ce contexte, le HCSP appelle à mettre en place des essais thérapeutiques « conformes aux recommandations méthodologiques nationales et internationales » pour évaluer, avec un niveau de preuve suffisamment élevé l’efficacité thérapeutique et la tolérance des Seden dans le sevrage tabagique. L’essai en cours ECSMOKE, comparant la cigarette électronique (avec et sans nicotine) à la varénicline répond à ces critères mais a pris du retard en raison d’une pénurie mondiale de varénicline.

Et pour le moment les fabricants de cigarette électronique ne semble pas se précipiter pour conduire de tels essais. Dès 2016, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait ouvert la possibilité de considérer la e-cigarette comme un produit de santé, sous réserve d’études permettant d’instruire une demande d’AMM. Mais à ce jour, aucun fabricant n’a déposé de dossier en ce sens. La cigarette électronique médicament risque de rester encore longtemps un mythe…

 

 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr