LE QUOTIDIEN : Quel bilan tirez-vous de la première campagne vaccinale contre les HPV menée au collège ?
Pr NORBERT IFRAH : L’objectif était de favoriser une augmentation de la couverture vaccinale en priorité chez les enfants de 12 ans. Ainsi, ce sont 48 % des enfants de cette classe d’âge, soit près de 420 000 adolescents, qui ont reçu l’année dernière une première dose. C’est très au-delà de ce qui était espéré.
Trois quarts des enfants vaccinés, soit plus de 300 000, l’ont été en ville, en grande partie par leur médecin traitant. Notre campagne a permis de convaincre les parents de vacciner leurs filles et leurs garçons et ils se sont tournés vers le circuit qu’ils connaissent le mieux.
Vacciner au collège est très important, c’est un levier majeur pour lutter contre les inégalités de santé et toucher des publics encore éloignés des soins. Il faut laisser un peu de temps pour monter en puissance au sein des établissements. L’école, qui a beaucoup de préoccupations, va se roder. Mais les retombées positives sont déjà là. Une étape a été franchie. Il y a une vague vers la vaccination au-delà de cet âge : une fille de 15 ans sur deux (55 %) et un jeune garçon sur quatre (26 %) ont reçu au moins une dose, la vaccination étant recommandée chez eux depuis 2021 seulement.
Quel objectif pour 2024-2025 ?
Notre seul objectif désormais est d’arriver aux 80 % d’ici à l’horizon 2030. Le travail fait son chemin, il faut rattraper les classes d’âge non vaccinées jusqu’à 19 ans. Les parents sont favorables à la vaccination à plus de 80 % en métropole, et aux deux tiers en Outre-mer ; ils se tournent majoritairement vers leurs médecins généralistes, dont la parole porte auprès d’eux.
Vacciner dans les établissements scolaires est un levier majeur pour lutter contre les inégalités
L’Institut national du cancer (Inca) est en charge de la campagne d’information et nous avons mis au point différents types de support (vidéos, dépliants, affiches, livrets, spots radio…) pour tous les publics concernés : enfants, parents, enseignants, professionnels de santé. Car la vaccination est au cœur de la lutte contre les cancers liés aux HPV : elle protège jusqu’à 90 % des infections HPV à l’origine de cancers et est recommandée contre les lésions précancéreuses et/ou les cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin et de l’anus, ainsi que les condylomes (plus de 100 000 femmes et hommes touchés par an). La France compte chaque année 6 400 cancers liés aux HPV et 32 000 lésions précancéreuses ou cancéreuses détectées dans le cadre du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus. Le vaccin chez les adolescents vise à protéger du cancer les adultes qu’ils deviendront.
Des pays comme la Suède ou l’Australie sont en passe d’éradiquer le cancer du col de l’utérus grâce au couple vaccination et dépistage. La protection vaccinale, de l’ordre de 90 % mais pas de 100 %, puisque la vaccination ne couvre pas tous les sous-types viraux, a un effet majeur mais le dépistage est toujours utile. Il est important de rappeler qu’il existe un bénéfice individuel de la vaccination pour tous, filles comme garçons. Et plus le taux de couverture sera large, plus l’effet de masse permettra d’atteindre une immunité collective.
Pourquoi ne pas vacciner à une dose, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ?
Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), dont je connais les travaux puisque j’en suis le président, a fourni les données d’efficacité d’une telle stratégie à l’OMS. Ce travail laisse espérer qu’une dose soit presque équivalente à deux. L’OMS a pris cette décision en prenant en compte les difficultés d’accès aux soins des pays à niveau de vie plus faible. Le bénéfice d’une dose unique est très élevé alors que le cancer du col utérin reste l’une des premières causes de décès par cancer chez la femme dans ces pays. Ces recommandations offrent une sécurité importante à ces pays, d’autant que le cancer du col utérin est l’un des seuls cancers où le pronostic est en train de se dégrader. Le diagnostic est posé à un stade plus évolué dans des populations éloignées des soins ; or au-delà du stade 1, seuls 55-60 % des cancers du col de l’utérus guérissent.
C’est vrai que plus on peut simplifier, mieux ça vaut. Mais le Circ s’est basé sur les données de vaccins différents de celui utilisé en France, notamment de vaccins indiens et chinois distribués en Asie et en Afrique. Il ne nous est pas possible de transposer directement ces résultats en France sans s’assurer au préalable de l’intensité et de la durée de la réponse après une dose avec le vaccin sur le marché (et ce, en fonction de l’âge à la vaccination). Or ce ne sont pas actuellement les conditions de son autorisation de mise sur le marché.
La Haute Autorité de santé est chargée de ce travail d’évaluation, nous attendons ses conclusions. Toujours pour la vaccination contre les HPV, l’autorité sanitaire étudie aussi la généralisation de l’extension jusqu’à 26 ans (déjà recommandée pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), comme le suggère en particulier l’Académie nationale de médecine.
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