Enquête DIVA

Vaccination : les généralistes prennent la parole

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Publié le 29/09/2016
Alors que la concertation citoyenne engagée par la ministre de la Santé pour relancer le processus de vaccination en France touche bientôt à sa fin, la SFMG prend la parole et monte au créneau pour faire entendre la voix des généralistes dans ce processus. Sur la base des résultats de son enquête DIVA qui a analysé les facteurs influençant l’engagement des médecins dans la vaccination, elle énonce trois recommandations susceptibles d’aider le praticien à s’engager plus avant. Une démarche qui devrait trouver un écho. Dans un entretien accordé au « Généraliste », le Pr Alain Fisher, coordinateur de la concertation, place le généraliste en première ligne.
Ouverture

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

S’il fallait encore une preuve pour dénoncer la défiance de notre population à l’égard de la vaccination, une très récente enquête internationale conduite par les chercheurs du projet « Confiance dans les vaccins » de la London School of Hygiene and Tropical Medicine s’en est chargée. Elle révèle que la France se distingue des autres pays européens par une plus grande défiance envers les vaccins. Selon cette étude, quatre Français sur dix estiment en effet que les vaccins ne sont pas sûrs. C'est davantage que partout ailleurs.

La France se trouve ainsi championne du monde de la suspicion avec  41% de nos concitoyens qui manifestent de sérieux doutes, soit plus de trois fois la moyenne mondiale. Dans ce contexte, les conclusions de la grande concertation sur la vaccination voulue par Marisol Touraine pour relancer le processus de vaccination sont attendues de pied ferme.

DIVA, une étude qui met à nu les comportements des médecins
Dans ce débat politique, la SFMG (Société Française de médecine générale) entend bien avoir voix au chapitre en rencontrant aujourd’hui, 30 septembre, Alain Fischer, professeur d'immunologie pédiatrique, chef d’orchestre de cette concertation pour lui faire part de ses recommandations issues de son enquête baptisée Diva (Déterminants des Intentions de VAccination) pour améliorer la couverture vaccinale en France.

Cette enquête, première en son genre, a analysé auprès de 1 069 généralistes, les facteurs qui influencent leurs comportements vis-à-vis de la vaccination et les déterminants qui les motivent à proposer ou non une vaccination à leurs patients. Une information de poids puisque la vaccination des enfants de moins de 6 ans en France est assurée pour moitié par les généralistes. Lesquels, de surcroît, ont une forte influence sur la décision des parents à faire vacciner leurs enfants.

Cette étude a été menée en deux temps entre 2013 et 2015. Une première enquête qualitative par entretiens de groupe auprès de 36 généralistes de diverses régions françaises a analysé les facteurs influençant l’attitude de prescription vaccinale. 40 facteurs ont été identifiés et se sont répartis en 6 thèmes : vaccin, maladie, vécu des généralistes, aspects pratiques, bénéfices attendus et relation médecin-patient. Une phase quantitative de validation des données autour d’un questionnaire a été conduite de mars à juin 2014.

Côté généralistes, les voyants sont au vert. Ainsi, tous vaccins confondus parmi les 6 proposés dans l’étude DIVA, 90 % des médecins sont très favorables ou favorables à la vaccination. La sélection a été opérée de manière à inclure des vaccins dits « consensuels » contre la rougeole, la coqueluche et le pneumocoque, un vaccin obligatoire contre le tétanos et des vaccins dits « polémiques » contre la grippe et les infections à HPV.

Sur le premier item qui analyse les raisons pour lesquelles un médecin vaccine (« les déterminants à la vaccination en fonction de la maladie contre laquelle elle protège »), l’intérêt pour le patient est considéré comme primordial avec plus de 90 % des médecins qui sont favorables à tous ces vaccins, HPV mis à part (81 %). L’intérêt pour la collectivité arrive en tête pour 84 % de la population DIVA. L’efficacité de la vaccination comparée à celle de l’arsenal thérapeutique curatif disponible était considérée comme un facteur incitatif à la vaccination par 87 % de la population DIVA.

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Deuxième facteur identifié comme favorisant l’implication des médecins, « les propriétés du vaccin » apparaissent capitales. Près de 9 médecins sur 10 reconnaissent que le bénéfice attendu est bien plus fort que le risque encouru. Le rapport bénéfices/risques du produit, son efficacité mais aussi sa disponibilité sont considérés comme des facteurs favorables par près de 8 généralistes sur 10. Les avis positifs étaient moindres dans le groupe des infections à HPV. « Les ruptures de stocks observées ces dernières années ont fortement compromis l’engagement du médecin qui, du coup, a du mal à convaincre son patient », regrette le Pr Luc Martinez, coordinateur de l’étude DIVA et vice-président de la SFMG. De plus, près d’un quart de la population DIVA (24 %) se dit embarrassée par les polémiques sur les adjuvants. « Une consultation où l’on doit aborder cette problématique ne met pas le médecin à l’aise, commente-t-il. C’est un élément qui freine l’engagement du prescripteur et la décision partagée avec le patient. » Là, paradoxalement, nul besoin de preuves scientifiques. Il s’agit de convaincre un patient qui fonctionne avec ses propres représentations. « Le scientifique est un argument qui justifie la décision du médecin ; en aucun cas, il n’est recevable en l’état par le patient. Au soignant de l’interpréter
pour lui ».

Le calendrier vaccinal, le meilleur et le pire
Sans surprise, le tiers de la population DIVA (33%) considère que le contenu de l’information communiquée par les médias est défavorable à la vaccination avec un taux s’élevant jusqu’à 56 % dans le groupe des infections à HPV ! Pour autant, toutes les informations ne doivent pas être mises dans le même panier. Les recommandations du calendrier vaccinal sont considérées comme facilitatrices pour 7 participants sur 10, mais leur renouvellement annuel brouille les esprits. C’est un contenu fiable et valide qui les engage. Mais le rythme annuel de ses modifications, les changements continuels des populations cibles constituent des entraves à l’engagement du médecin. « Comment rassurer une mère de trois enfants qui a observé un protocole différent pour chacun des trois ? », explique le coordinateur de l’étude qui exerce depuis les années 1980. « Si les arguments scientifiques justifiant les évolutions annuelles du calendrier sont bien compris par les prescripteurs, il faudrait aussi prendre en compte leurs conséquences sur la relation médecin-patient possiblement perturbée par ces changements incessants. Et peut-être ne modifier le calendrier qu’en cas de bénéfice important pour le patient ou la population ? »

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La relation médecin-patient n’est pas en reste. Le statut de médecin traitant est considéré par plus de 8 médecins sur 10 (83 %) comme un facteur favorisant l’acte  vaccinal. Le médecin choisi par son patient se sent légitimé. Cela dit, au sein de cette dimension « aspects pratiques et organisationnels », émerge le facteur « temps » qui est considéré comme un frein par la majorité des généralistes. Pour deux sur trois, le temps nécessaire pour aborder et expliquer les choses freine leur engagement et ceci est particulièrement net pour la vaccination HPV. Ce vaccin pâtit en effet de la difficulté à évoquer la sexualité d’une jeune mineure et sur le risque qu’elle encoure des années plus tard. 

Pour un carnet de vaccination électronique
Pour plus de 6 médecins sur 10, connaître le statut vaccinal du patient est un facteur facilitateur de la vaccination. Et l’appartenance des patients à un groupe à risque motive fortement l’implication du médecin 8 fois sur 10. Ils sont plus d’un sur deux à déclarer qu’une pathologie chronique est un contexte de consultation favorable. Tandis que celui d’une pathologie aiguë ne l’est pas du tout (24%).

Mais, au-delà de la relation avec le patient et des éléments scientifiques, l’expérience individuelle du médecin généraliste intervient aussi dans son engagement à vacciner. Plus d’un sur deux déclarent que les caractéristiques de sa patientèle, les maladies rencontrées au cours de sa vie professionnelle et sa propre expérience à titre privé influencent sa pratique. Toute confrontation à la maladie les convainc de vacciner. En revanche, la difficulté à cerner la population cible « comme c’est le cas avec la vaccination anti-pneumococcique dont les indications évoluent sans cesse » est considérée comme un facteur défavorable une fois sur deux.

Forte de ces conclusions à la puissance statistique irréfutable, la SFMG propose donc trois recommandations aux pouvoirs publics. à commencer par l’organisation d’une centralisation de l’information relative au statut vaccinal des patients à laquelle le médecin pourrait facilement accéder. La société savante propose du coup que la mission de suivi et de mise à jour du statut vaccinal devienne un indicateur de ROSP.

La SFMG demande aussi le lancement de campagnes ambitieuses et itératives auprès du grand public pour relancer la confiance dans la vaccination. Et elle
précise que cette information devrait être organisée et relayée par « Santé Publique France », la nouvelle agence rompue à la communication auprès du grand public via tous les canaux de communication (réseaux sociaux, bandes dessinées, YouTube, etc.). Enfin, selon la société savante, l’État doit tout faire pour remédier aux ruptures de stocks. « C’est son rôle de mettre en œuvre les moyens permettant de  contrer les pénuries de vaccins », assure Luc Martinez.

Dr Linda Sitruk

Source : lequotidiendumedecin.fr