Une situation sécuritaire dégradée

Au Niger, la médecine humanitaire à la peine

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Publié le 18/07/2019
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Facilitant la réhabilitation des prisonniers par le travail, et notamment l'artisanat

Facilitant la réhabilitation des prisonniers par le travail, et notamment l'artisanat
Crédit photo : DR

Pédiatre pendant 30 ans à Grenoble, le Dr Maurice Colin se fait aujourd'hui lanceur d'alerte. Intervenant au Niger dans les domaines médical et humanitaire avec l'association Santé et développement international, qu'il a créée en 2001 à la fermeture de son cabinet, il s'alarme de la situation « dramatique » que connaît le pays. « L'insécurité est telle que nous ne sommes pas en mesure d'assurer le suivi des projets initiés », témoigne-t-il.

De retour du Niger avec son confrère et actuel président de l'association, le Dr Joël Bessière, il dresse le constat d'une dégradation des conditions de sécurité et de vie dans ce pays de 22,3 millions d'habitants, tristement classé parmi les plus pauvres de la planète. Pays du Sahel enclavé et semi-désertique, le Niger est aussi un carrefour d'échanges entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne et subit les assauts de l'islamisme radical. « Nous assistons aujourd'hui à la montée en puissance d'un Islam intolérant et violent, aux antipodes de ce qu'était l'Islam nigérien pendant des décennies. Une idéologie salafiste radicale s'est développée en surfant sur la vague wahhabite promue par l'Arabie saoudite notamment, à coups de financements massifs. L'Arabie saoudite a dépensé 80 milliards de dollars pour répandre cet Islam fondamentaliste, s'inquiète le Dr Maurice Colin. Les jeunes désœuvrés des milieux populaires et des écoles coraniques sont particulièrement touchés par cette idéologie salafiste ».

Présents depuis 2003

Malgré la présence de l'association depuis 2003 au Niger, ses activités sont aujourd'hui menacées par le contexte d'insécurité. « Nous ne pouvons plus nous rendre à Ouallam à 100 km au nord de Niamey, la capitale, où nous avons un projet de plantation de 7 500 gommiers pour freiner l'avancée du désert, raconte le Dr Maurice Colin. De même, il n'est plus possible d'aller à Makalondi et à Torodi, où nous avons équipé plus de 70 écoles en tables-bancs car, sous les troncs d'arbre utilisés jusque-là, se nichaient des serpents ».

Au Niger, l'association intervient de multiples manières : en améliorant le quotidien des enfants malvoyants et les malentendants (fourniture de cannes blanches, formation des enseignants à la langue des signes, par exemple), en fournissant deux tables d'accouchement à un centre de santé, ou encore auprès des détenues de la prison de Niamey, en facilitant leur réhabilitation par le travail, et notamment l'artisanat.

L'émancipation des populations

Le large éventail d'activité de l'association illustre sa philosophie depuis sa création en 2001. « Notre ambition est de participer à l'émancipation des populations par des solutions médicales. Il s'agit de permettre aux populations d'accéder à des outils d'autonomie, et cela va d'un accès à l'eau potable à un travail », résume le Dr Maurice Colin. Cette ambition se traduit par trois priorités : l'apport en eau potable, l'assainissement et la lutte contre la malnutrition. « Dans les pays où nous sommes présents, comme à Madagascar ou en Afrique de l'Ouest, 80 % des maladies sont liées à l'eau. Agir sur ce terrain est fondamental », rappelle le pédiatre.

Les activités de l'association contribuent également, en matière de santé, à des actions de prévention, de traitement et d'éducation. « À Madagascar, une de nos premières actions a été de former un ophtalmologue à la greffe de cornée. L'idée est d'avoir d'autres solutions que des évacuations sanitaires. Nous contactons les médecins et nous les sur place, nous leur fournissons aussi le matériel nécessaire. Dans le cas de Madagascar, nous envoyons des greffons. Aujourd’hui, 85 jeunes ont retrouvé la vue et ainsi un travail », se félicite le Dr Maurice Colin. Inquiet de la situation dégradée qui entrave les activités de l'association, il reste convaincu que « notre intérêt est d'aider les populations à mieux vivre chez elles ».


Source : Le Quotidien du médecin