Le moins qu’on puisse dire, c’est que la potion télétransmission prescrite par les ordonnances Juppé de 1996 a du mal à passer chez les médecins. Sur le terrain des expérimentations, l’ambiance est souvent houleuse. « Je me suis pris quelques tomates en Bretagne, se souvient Franck Frayer, actuel président de CompuGroup Medical France qui a travaillé au RSS de Cegetel dès 1998, on était vu comme le suppôt de l’Assurance-maladie. » La sécu, voilà l’ennemie. « On n’était pas très bien reçu, les professionnels de santé nous reprochaient de les obliger à faire le boulot de la sécu », reconnaît Dominique Barret qui était alors en charge du déploiement interrégime au GIE SESAM-Vitale. Accompagné de Claude Delaveau, directeur du déploiement SESAM-Vitale à la CNAM, il avait pris son bâton de pèlerin, de ville en ville, pour évangéliser et expliquer le nouveau système lors de réunions organisées dans les caisses primaires en 1997-1998 « Je pense qu’il y avait aussi chez les médecins une peur non avouée de l’utilisation de l’outil informatique et la crainte de perdre du temps. La bonne surprise vint de la réaction des assurés qui trouvèrent, eux, la carte Vitale très pratique et incitèrent leurs médecins à la prendre en compte ».
Les débuts difficiles de SESAM-Vitale ont d’ailleurs longtemps laissé croire à une partie du corps médical que cela ne se ferait jamais. « Notre indicateur, c’était le taux d’équipement des médecins. Comment les faire s’abonner à Internet alors qu’ils n’étaient même pas informatisés ? Le démarrage de SESAM-Vitale, cela a eu un côté épopée » souligne Franck Frayer.
Un nouveau marché
Arrivée chez Distal, éditeur de Medigest, en novembre 1996, alors que la société vient d’être rachetée par Reuter, Christine Courtelarre, aujourd’hui responsable communication de CLM, a elle aussi participé aux expérimentations SESAM-Vitale de Vitré et de Bayonne. « Jusque-là, tous nos clients étaient des passionnés avec une formation assurée à volonté. En quelques mois, j’ai vu arriver de nouveaux clients qui venaient, non plus par envie, mais parce qu’il fallait le faire. Nous avons du développer des arguments différents pour les séduire. » L’éditeur avait désormais une partie de son logiciel développé sur un cahier des charges permettant à ses clients de se mettre en conformité avec le réglementaire. Mais son activité en bénéficie. « Au MEDEC de 1998, le grand rendez-vous annuel qui se tenait alors à la Porte de Versailles, se souvient-t-elle, notre stand était assailli par les médecins auxquels il fallait expliquer autant le réglementaire que les fonctionnalités des logiciels… »
Pendant quatre à cinq ans, le salon Informédica du MEDEC a été « le » salon d’équipement informatique des médecins qui venaient comparer les logiciels et les offres et assister aux démonstrations. « C’était l’époque des clubs utilisateurs, où l’on faisait une ville par soir pour montrer AxiSanté en privilégiant le rapport humain de la discussion », renchérit Fabrice Greenbaum, fondateur d’Axilog. Premier logiciel médical à avoir adopté Windows, AxiSanté a démarré sa carrière lentement mais a pris son envol à partir de 1992. En 1994, les médecins ont commencé à se mobiliser autour de l’informatique et en 1998, le démarrage de SESAM-Vitale a donné un coup de fouet à l’entreprise avec Axiam le premier logiciel agréé. « SESAM Vitale a été très décrié au début mais cela a fait entrer les professionnels de santé dans la réalité de la dématérialisation ».
Marilyne Minault jette elle aussi, un regard positif sur cette époque de croissance qui a permis à des sociétés comme la sienne de se développer. Elle se rappelle son premier MEDEC avec son mari Philippe, le créateur d’Hellodoc. « Je lui avais dit si on n’en vend aucun, on arrête et on en a vendu un le dernier jour ! ». Fin 91, Hellodoc n’a encore que trois clients et fin 92, six. Mais 800 en 95. Hellodoc a fait sa première télétransmission en septembre 1998 et réalisé un coup de maitre en proposant gratuitement son module de télétransmission. Ce qui lui fait gagner rapidement de nouveaux clients. « Entre 1998 et 2002, les médecins s’informatisaient surtout pour la télétransmission et non plus pour mieux gérer le cabinet. Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui, estime-t-elle, car si on les a un peu poussés au début, ils ont découvert depuis les avantages de l’informatisation. »
Autre société, née de la télétransmission, le groupe Sephira fondé par Daniel Israël. Son analyse à l’époque : ce que les médecins attendent, ce sont des services. Premier MEDEC en 2000 : « Notre solution Intellio était à peine homologuée et nous étions cinq sur un stand de 9 mètres carrés à faire des démos à des groupes de huit personnes ». Il faut dire que le concept Intellio, offrant des services autour de la création, de l’envoi et de la gestion des FSE, avait de quoi séduire les médecins ne cherchant pas à s’informatiser. Pas d’écran d’ordinateur entre eux et le malade. Pas de système lourd à remettre à jour, ni même d’abonnement à Internet. Juste un terminal et une ligne téléphonique. Il sera d’ailleurs suivi par d’autres concurrents (In’DI, Ingenius).
Dopé par la prime
Thierry Kauffmann, fondateur de Prokov Éditions en 1987 et créateur de MediStory premier logiciel sur Mac, leader du marché dans les années 94-96, avait déjà fait, estime-t-il, le gros de sa base historique avant l’arrivée de SESAM Vitale. « Notre cœur de métier, c’est le dossier médical et notre clientèle s’est constituée par la bouche à oreille, explique-t-il, l’Assurance-maladie nous a fourni des outils de mauvaise qualité et ce fut à nous de prouver que la télétransmission marchait aussi sur un Mac ! ». Ce dont Express Vitale apporte la preuve tous les jours à ceux qui l’utilisent. Après une période de flottement en 1996-1998, il reconnaît que la prime à l’informatisation a dopé le marché.
Aujourd’hui c’est la nouvelle convention signée cet été qui constitue pour les éditeurs la première reconnaissance officielle des bénéfices de la tenue d’un dossier patient informatisé. Avec un encouragement financier à la clé qui pourrait pousser les médecins informatisés a minima à dématérialiser leurs dossiers patients. Autre facteur de changement, le DMP qui s’étend peu à peu.
Conclusion unanime : « le marché médical reste un marché très compliqué, très spécial ». Et à progression lente.
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