Maltraitance sur mineur : le Conseil d'État conforte les médecins qui font des signalements

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Publié le 07/07/2022
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Crédit photo : PHANIE

Un médecin ne peut être poursuivi devant les juridictions disciplinaires (l'Ordre) pour un signalement de maltraitance d'un mineur lorsqu'il a agi de bonne foi et respecté les règles, confirme le Conseil d'État, à l'occasion d'une affaire particulière impliquant un pédopsychiatre et la mère d'une enfant.

Sa décision, rendue le 5 juillet, conforte les deux précédentes rendues par les chambres de première instance et d'appel de l'Ordre des médecins, en 2019 et 2020. Elle intervient alors que la complexité des signalements a été mise en lumière par des médecins qui ont été poursuivis par la justice ordinale, certains en réaction réclamant même une obligation de signalement inscrite dans la loi (proposition reprise par la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants).

L'affaire commence en novembre 2017, lorsqu'un psychiatre exerçant au centre médico-psychologique (CMP) pour enfants et adolescents de Lamballe (Côtes-d’Armor) fait un signalement auprès de la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) au sujet d’une enfant de 9 ans. Il la suspecte d’être l’objet de maltraitances psychologiques de la part de sa mère. Elle est d'ailleurs suivie au CMP à la suite d'une première information préoccupante transmise quelques mois plus tôt (en juin 2017) par d'autres professionnels de santé. Le Juge des enfants place la fillette, après le signalement du psychiatre.

La mère de l’enfant décide alors de porter plainte contre le médecin auprès de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins (à laquelle le conseil départemental transmet la plainte, déjà sans s'y associer) : la chambre de première instance rejette la plainte en 2019 et condamne même la mère à verser une amende de 1 000 euros pour recours abusif. Cette dernière fait appel auprès de la chambre disciplinaire nationale, qui confirme le rejet de la plainte en 2020 (mais annule l'amende). La mère se pourvoit en cassation, auprès du Conseil d’État.

Action de bonne foi, pour protéger l'enfant

Dans sa décision du 5 juillet, le Conseil d'État s'en remet à la loi, et notamment à l'article 226-14 du Code pénal qui précise les exceptions au secret médical. Celui-ci s'est même enrichi, à la faveur d'une loi de 2015 soucieuse de clarifier la procédure de signalement et de protéger les professionnels, d'un alinéa précisant que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi ».

« Lorsqu’un médecin signale au procureur de la République ou à la CRIP des faits laissant présumer qu’un mineur a subi des violences physiques, sexuelles ou psychiques et porte à cet effet à sa connaissance tous les éléments utiles qu'il a pu relever ou déceler dans la prise en charge de ce jeune patient, notamment des constatations médicales, des propos ou le comportement de l'enfant et, le cas échéant, le discours de ses représentants légaux (...), sa responsabilité disciplinaire ne peut être engagée à raison d’un tel signalement, s’il a été effectué dans ces conditions, sauf à ce qu’il soit établi que le médecin a agi de mauvaise foi », reformule le Conseil d'État.

En l'occurrence, le Conseil d'État estime que le psychiatre de Lamballe a procédé à un signalement à la CRIP après avoir recueilli des éléments en consultation, et qu’il a agi de bonne foi en vue de protéger l’enfant. Il confirme donc l'analyse de la chambre nationale de l'Ordre, selon laquelle le médecin ne peut être poursuivi sur le plan disciplinaire pour ce signalement. Et condamne de nouveau la mère à lui verser 1 000 euros. 


Source : lequotidiendumedecin.fr