Contribution

« Créer un marché unique des médicaments » : la Commission européenne défend sa réforme pour une législation pharmaceutique du XXIe siècle

Publié le 27/04/2023
Dans un contexte de pénuries récurrentes et de besoin de profonds changements, une nouvelle stratégie pharmaceutique de l’Union européenne (UE) a été dévoilée le 26 avril. En exclusivité pour la France, Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, et Stella Kyriakides, commissaire européenne en charge de la santé, détaillent les enjeux de cette réforme dans une tribune publiée dans nos colonnes. L'objectif est de garantir l’accès aux médicaments à tous les patients de l’UE, tout en maintenant une industrie pharmaceutique compétitive à l’international.
Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, et Stella Kyriakides, commissaire européenne en charge de la santé.

Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, et Stella Kyriakides, commissaire européenne en charge de la santé.
Crédit photo : AFP

CONTRIBUTION - Les bouleversements, sans précédent, causés par la pandémie ont replacé les soins de santé au centre de l’action publique. Sur notre continent, il apparaît plus clairement que jamais que l’Union européenne (UE) protège le mieux les citoyens lorsque les États membres travaillent de concert. C’est précisément ce constat qui a donné naissance à l’Union européenne de la santé, un chantier ouvert en 2020 à partir des possibilités offertes par la crise pour remédier aux difficultés et aux insuffisances qui touchent depuis longtemps déjà les systèmes de soins de santé dans l’ensemble de l’UE.

Les médicaments constituent un bon exemple à cet égard, d’autant que l’accès aux médicaments est l’un des symboles les plus puissants de l’efficacité des systèmes de soins de santé.

Aujourd’hui, les médicaments ne parviennent pas assez rapidement à tous les patients, car les plus innovants et prometteurs mis sur le marché ne sont pas toujours disponibles de la même manière dans tous les États membres. Il reste encore trop de maladies pour lesquelles il n’existe ni moyen de prévention ni option thérapeutique. Par ailleurs, de nombreux patients et systèmes de soins de santé ne peuvent pas se permettre certains médicaments en raison de leur prix élevé. Les pénuries constituent un problème chronique, pouvant priver les patients du traitement dont ils ont besoin. En outre, les tensions géopolitiques mettent en évidence les vulnérabilités et les dépendances de nos systèmes de soins de santé, qui nous exposent aux caprices des pays tiers. Dans le même temps, des problèmes pressants, tels que la montée en puissance des bactéries résistantes aux antibiotiques, ne sont pas traités avec la rapidité et l’efficacité requises.

L’Union européenne a besoin de profonds changements en ce qui concerne les médicaments.

Un paysage sanitaire et pharmaceutique transformé

Il y a plus de 20 ans que les règles actuelles de l’UE ont été mises en place. Depuis, de nouvelles grandes transformations scientifiques et technologiques ont révolutionné le paysage sanitaire et pharmaceutique. Nous ne pouvons plus laisser notre système réglementaire en l’état.

Avec le Covid-19 en toile de fond, nous construisons un système pharmaceutique européen moderne, résilient face aux crises et capable de répondre aux besoins des citoyens au quotidien. Qu’ils aient pour objet de soulager des maux de tête, de traiter une allergie, de vacciner un enfant ou de traiter un patient cancéreux avec la dernière substance innovante, les médicaments sont des produits essentiels, auxquels les citoyens doivent avoir accès. En 2019, 49 % de la population de la France s’est vu prescrire des médicaments.

Cela étant, si les patients de certains États membres occidentaux et grands États membres ont accès à 90 % des médicaments nouvellement approuvés, les patients de certains États membres orientaux et petits États membres n’ont accès qu’à 10 % de ces mêmes médicaments. Le temps que les patients doivent attendre avant d’avoir accès aux médicaments varie aussi grandement, entre quelques mois dans certains États membres et plusieurs années dans d’autres. Concrètement, cela signifie que certains patients ne disposent pas d’options thérapeutiques efficaces contre leur maladie. C’est la raison pour laquelle il est si crucial de faire en sorte que les patients aient accès à des médicaments à la fois innovants et abordables, et que, en parallèle, notre industrie pharmaceutique — cheffe de file sur la scène mondiale — reste forte et compétitive à l’échelle internationale.

Nos règles uniques et la fragmentation de notre marché unique des médicaments font partie du problème. Il convient de fournir des incitations pour notre industrie innovante, mais elles devraient être plus étroitement liées à la réponse aux besoins des patients et des systèmes de santé. Il est pour nous capital de garantir l’accès des patients dans les 27 États membres.

La clé du succès de cette réforme tient en un mot : « équilibre »

Voilà pourquoi nous allons, en premier lieu, promouvoir des règles visant à garantir que les médicaments parviennent à tous les patients de l’UE, tout en permettant la concurrence, qui fait baisser les prix et assure la viabilité des systèmes de soins de santé dans tous les États membres. Il nous faut créer un marché unique des médicaments.

En second lieu, il faut soutenir l’innovation au moyen de règles qui stimulent la recherche et réduisent les lourdeurs administratives du système. Cette entreprise permettra d’économiser 300 millions d’euros alloués à des activités administratives inutiles.

Pour prévenir les pénuries, il convient également d’améliorer la surveillance des chaînes d’approvisionnement en médicaments, notamment pour déterminer la nécessité de renforcer l’autonomie stratégique de l’UE en matière de fabrication de médicaments ou d’imposer la constitution et le maintien de stocks d’urgence de certains médicaments.

Enfin, il est nécessaire de combattre de front la résistance aux antimicrobiens, avant que cette « pandémie silencieuse » ne devienne notre prochaine crise mondiale. Actuellement, les bactéries résistantes aux médicaments causent la mort de 35 000 personnes dans l’UE chaque année. Nous proposerons des instruments audacieux, dont des titres d’exclusivité transférables pour les nouveaux antimicrobiens, des mécanismes de passation de marchés et des mesures favorisant une utilisation prudente, afin de lutter contre le problème et de dynamiser la recherche-développement de nouveaux produits, laquelle est atone depuis des décennies.

La clé du succès de cette réforme tient en un mot : « équilibre ». L’industrie pharmaceutique européenne doit demeurer à la pointe de l’innovation, cependant nous devons aussi veiller à ce que les règles de l’UE contribuent à faciliter le déploiement de cette innovation auprès des citoyens et des patients de toute l’UE.

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Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, et Stella Kyriakides, commissaire européenne en charge de la santé

Source : lequotidiendumedecin.fr