Dr Fleur Delva, médecin de santé publique au centre Artemis

A Bordeaux, une prévention environnementale de la fertilité

Publié le 12/05/2020
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L’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine met en place depuis quatre ans une politique de prévention novatrice. Un des praticiens du CHU revient sur ce dispositif pionnier, qui a essaimé ces dernières années dans d'autres régions.

Crédit photo : Phanie

Le centre Artémis (Aquitaine ReproducTion Enfance Maternité et Impact en Santé environnement) du CHU de Bordeaux a été le premier en France à informer des patients sur les risques environnementaux mettant en danger leur fertilité. Avec le Pr Patrick Brochard, le Dr Fleur Delva coordonne le dispositif dans une région viticole particulièrement touchée par les pesticides.

Par amour de la recherche, le Dr Fleur Delva a choisi une carrière en santé publique. Sans avoir au préalable d’affinités particulières pour les sujets liés à l’environnement, elle en a fait son métier au sein du centre Artémis. L’Agence Régionale de Santé de Nouvelle Aquitaine, particulièrement active en prévention, souhaitait inclure la compréhension des facteurs environnementaux dans les soins du CHU de Bordeaux. Pour ce faire, elle a choisi de sensibiliser les médecins en informant les patients. Le centre Artémis, créé au sein du service de santé au travail et financé par l'ARS a pour mission de prévenir les patients des facteurs environnementaux susceptibles de nuire à leur fertilité ou à leur grossesse.

Les couples pris en charge par le Dr Delva et son équipe, souvent désireux de préparer une prochaine grossesse, ont déjà connu des troubles de la fertilité ou des pathologies de grossesse. Ils remplissent d’abord un questionnaire où ils détaillent leur quotidien, tant professionnel que personnel. Ensuite, un interne, une infirmière ou un préventeur mène avec eux un entretien de plus d’une heure. Les médecins du centre Artémis les renseignent auparavant sur les antécédents des patients, afin qu’ils puissent délivrer des conseils personnalisés.

« Nous expliquons bien aux patients que ces pathologies concernant la périnatalité sont multifactorielles. L’environnement est l’un des facteurs et nous n’avons pas la capacité scientifique de faire de l’imputabilité. Nous leur exposons les risques présents dans leur environnement et voyons ensemble ce qu'il leur est possible de faire pour les limiter », détaille le Dr Fleur Delva. Ce procédé préventif se distingue par son appréhension globale du patient afin d’agir sur différents aspects de son quotidien. Des produits utilisés pour les travaux domestiques aux vignes voisines du domicile, tout est détaillé et expliqué selon l'état de recherches actuelles.

Ces dernières peuvent s’avérer parcellaires sur certains sujets, comme les perturbateurs endocriniens ou les expositions à faible dose, mais les médecins arrivent à isoler avec les patients des actions individuelles préventives. « Nous hiérarchisons le niveau de risque selon le niveau de connaissance scientifique. Nous n’avons pas le même niveau de preuves pour tous les risques mais si certaines actions s’avèrent faciles, autant les faire », explique la médecin en santé publique.

Un dispositif encore à développer

D’autres sources de dangers environnementaux sont indépendants de la volonté des couples et hors de leur portée d’action. « Si on repère une exposition en milieu professionnel, on lui recommande de contacter un médecin du travail. Nous voyons beaucoup de viticulteurs, mais aussi des personnes travaillant dans les métiers de la santé ou de l’industrie aéronautique », reporte-t-elle.

L’équipe du centre Artemis bute notamment sur la question de la proximité de l’habitation avec des exploitations viticoles, où les épandages de pesticides sont fréquents. « C’est pourquoi nous travaillons en lien avec une équipe de recherche. Une ancienne ingénieure santé-environnement d’Artémis fait maintenant sa thèse de sciences sur les facteurs d’exposition aux pesticides des riverains », illustre le Dr Delva. Elle-même mène des recherches sur l’épidémiologie des cancers et les expositions environnementales.

Consultant environ 300 couples par an, le centre Artémis a été renouvelé pour une durée de trois ans en 2019. Une enquête menée en 2018 a montré que 70% des répondants avaient envie de changer leurs habitudes quotidiennes suite à la consultation. À terme, le Dr Delva aimerait que son équipe mène des projets de recherche spécifique grâce à leurs données, et, dans l’idéal, capter les couples exposés, désireux d’avoir un enfant, avant qu’un trouble de la fertilité ne se déclare. Depuis l’ouverture du centre bordelais, d’autres CHU français ont mis en place un dispositif similaire à Marseille, Rennes, Créteil et Paris.

Gaëlle Caradec

Source : Le Quotidien du médecin