« Nous lançons ce jour la première action de groupe en santé, contre le laboratoire Sanofi », a déclaré ce 13 décembre Marine Martin, présidente de l'APESAC (Association d’aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant, agréé par le ministère de la Santé).
Dans une première phase amiable de 4 mois, comme le prévoit la loi Santé de janvier 2016, l'association met en demeure, via une lettre recommandée, Sanofi-Aventis France de « réparer les préjudices subis par les familles dont les enfants ont été exposés in utero à la Dépakine ». La lettre a également été transmise aux ministères de la Santé et de la Justice. En l'absence de réponse du laboratoire, ou de réponse jugée satisfaisante, 14 dossiers, portant sur des personnes de 18 mois à 40 ans, seront déposés devant le tribunal de grande instance de Paris afin de « faire reconnaître la responsabilité du laboratoire dans le retard d'information » des femmes qui ont pris du valproate de sodium alors qu'elles étaient enceintes.
« Notre démarche a pour but de faire condamner le laboratoire, c'est capital pour les familles », a indiqué Marine Martin.
« Défaut d'information sur les notices »
« Nous voulons que Sanofi reconnaisse qu'il y a eu un défaut d'information sur les notices, et qu'il prenne en charge des enfants qui toute leur vie auront besoin de l'assistance d'une tierce personne », a insisté la présidente de l'APESAC, sans pouvoir donner d'estimation sur le montant de l'indemnisation. « 3 000 familles m'ont contactée ; elles ne représentent que 6 % des victimes selon mes calculs. Mais toutes les victimes n'auront peut-être pas le courage de s'engager dans des procédures juridiques », précise Marine Martin.
Outre la dimension symbolique, une éventuelle condamnation pourrait être utilisée pour contraindre Sanofi à abonder le futur fonds d'indemnisation qui sera adossé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), espère l'APESAC. « Que Sanofi cesse de se défausser sur l'État ! », exhorte Me Charles Joseph-Oudin. « Le fonds devrait être rapidement mis en place, avec parution des décrets et arrêtés en janvier, février 2017, pour une entrée en application avant l'été », escompte Marine Martin. « L'APESAC aura son mot à dire sur la composition de ce fonds », estime-t-elle, témoignant de son inquiétude face aux conflits d'intérêts des experts.
Par ailleurs, le protocole national de dépistage et de signalement (PNDS) – une grille d'évaluation qui doit permettre de poser les diagnostics dans les futurs centres ressources, et servir dans les procédures judiciaires pour l'indemnisation – devrait être envoyé ces jours-ci au directeur général de la santé Benoît Vallet, a précisé Marine Martin.
Contacté par « le Quotidien », Sanofi « confirme avoir reçu ce jour un courrier du conseil juridique de l’APESAC. Nous allons l’étudier et n’avons pas d’autre commentaire à ce stade ».
Les médecins aussi en cause
Cette class action s'ajoute à plusieurs procédures déjà en cours, au civil, au pénal, ou encore devant le tribunal administratif, contre l'Agence nationale de sécurité du médicament.
Des médecins sont incriminés pour défaut d'information dans le cadre de la vingtaine de plaintes individuelles, a indiqué Me Joseph-Oudin au « Quotidien » sans donner de chiffres. « Ils ont été autant désinformés que les victimes avant 2006. Il est anormal et choquant que le laboratoire les incrimine pour essayer de se dédouaner », a-t-il accusé. Un propos qui nuance celui de Marine Martin, qui estime qu'à partir de 2006, une triple responsabilité de l'État, de Sanofi, et des médecins, doit être recherchée dans tous les dossiers.
En novembre dernier, l'Académie nationale de médecine qualifiait la survenue des complications liées à la prescription de Dépakine chez les femmes enceintes épileptiques d'« accident médical non fautif ». « la Dépakine est un médicament très efficace qui est parfois le seul à pouvoir maîtriser les formes graves de la maladie, sans alternative thérapeutique » et de rappeler que « les représentants des victimes ne réclament pas (son) interdiction », soulignait l'Académie.
Me Charles Joseph-Oudin a indiqué que seront déposées des assignations en référé début 2017 contre d'autres antiépileptiques (Tégrétol et Lamictal).
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