LE QUOTIDIEN : Emmanuel Macron annoncera le plan santé le 18 septembre. Quel message ferez-vous passer à Agnès Buzyn ?
Dr JEAN-PAUL ORTIZ : Je vais lui dire : "Madame la ministre, si vous êtes prête à réformer le système de santé et à le recentrer sur la médecine de ville, nous sommes prêts à nous engager". À condition bien sûr qu'on en ait les moyens financiers et organisationnels ! Aujourd'hui on parle beaucoup du malaise à l'hôpital, mais moins du malaise de la médecine libérale… Or, je rappelle que les Français ont de plus en plus de mal à trouver un généraliste, un rendez-vous avec un spécialiste.
Pour libérer du temps médical, les assistants médicaux peuvent être une solution. C'est une demande ancienne de plusieurs spécialités cliniques comme la pédiatrie ou la dermatologie, sur le même modèle que les assistants dentaires. Il y a quelques mois nous avons envoyé un dossier au ministère où nous avons modélisé la formation, la description du métier. Peut-être qu'Agnès Buzyn en touchera deux mots ce week-end...
Mais craignez-vous que cette stratégie soit trop tournée vers l'hôpital public ?
Je n'en sais rien mais le récent rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) était tourné vers les soins de ville et il semble qu'il ait été accueilli favorablement dans les hautes sphères de l'État ! La structuration des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et la possibilité pour les médecins de ville d'exercer au sein d'« établissements de santé communautaires » sont deux propositions très intéressantes dans ce rapport. Nous aimerions qu'elles soient reprises dans les annonces du gouvernement.
Redoutez-vous une régulation budgétaire accrue des dépenses de médecine de ville ?
Les bureaucrates et technocrates du ministère et de Bercy rêvent toujours d'une maîtrise comptable des soins de ville. C'est pour cela que la CSMF a défendu sans relâche la maîtrise dite médicalisée, qui est un avant-goût de la pertinence des soins actuelle – dont je pense on ne sortira plus. Prenons l'exemple de la problématique des arrêts de travail : un système de quotas serait insupportable ! Il n'y aurait aucune justification à viser les médecins prescripteurs. Je pense que le pouvoir politique est d'ailleurs peu gourmand de ce genre de mesures. Ce serait très impopulaire car les causes sont ailleurs, notamment dans l'organisation du travail.
Pensez-vous que toutes les spécialités devront s'engager – à l'instar des radiologues – dans des accords de pertinence des actes ?
Oui. Nous sommes favorables au développement de cette logique de pertinence dans tous les secteurs. Mais la médecine libérale doit y trouver son compte. Depuis 20 ans, l'ADN de la CSMF est de s'engager dans la qualité médicale, le juste soin au bon patient, au bon moment. En revanche, on ne peut imaginer y rentrer par des mécanismes de sanctions ou de contraintes.
Avec les radiologues, pour la première fois, on a réussi à troquer le rabot tarifaire – l'article 99 de la loi de Sécu 2017 – contre une démarche négociée de pertinence des soins. Les premiers retours montrent que les médecins concernés s'y engagent et j'invite mes confrères à le faire de plus en plus. Je suis confiant. Lorsqu'on fait appel à l'intelligence plutôt qu'à la sanction, les médecins sont au rendez-vous.
La CSMF est revenue dans la vie conventionnelle. Mais y a-t-il des points de forte vigilance ?
Oui. Nous n'accepterons pas le retour du rabot tarifaire en médecine libérale. Cela est totalement contraire à notre état d'esprit. Nous surveillerons aussi l'application de la convention médicale au quotidien. Cela nécessite une implication d'arrache-pied, notamment pour défendre des confrères abusivement poursuivis par les caisses.
Le gouvernement veut promouvoir les modes de rémunération alternatifs au paiement à l'acte, comme le forfait à l'épisode de soins. Y a-t-il une ligne jaune ?
La CSMF reste très attachée au paiement à l'acte, historiquement la base de la rémunération du médecin libéral. Des rémunérations alternatives peuvent-elles être envisagées ? Oui, c'est déjà le cas en médecine générale avec plusieurs forfaits. Avant de savoir s'il faut aller plus loin, étudions toutes les évolutions possibles. La CSMF reste prudente sur la rémunération à l'épisode de soins, mais nous ne sommes pas bloqués au point de ne pas vouloir en entendre parler.
L'homéopathie divise la profession. Que proposez-vous ?
Il faut mener les études scientifiques nécessaires sous l'égide de la Haute autorité de santé. Le résultat doit être partagé par les médecins homéopathes et par les praticiens qui sont dans une logique de dénonciation. Il n'y a pas de place pour l'invective et les mots méprisants de confrères vis-à-vis d'autres. On doit se respecter, ne pas traiter les autres de charlatans. Mais l'intérêt du patient passe avant tout : le médecin qui utilise l'homéopathie dans son arsenal doit utiliser, quand c'est pertinent et nécessaire, les thérapeutiques traditionnelles.
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