LE QUOTIDIEN : Constatez-vous au quotidien des dérives dans le recours à l’aide médicale d’État (AME) ?
Pr FRÉDÉRIC ADNET : Ma réponse est catégorique : non. Je n'ai jamais constaté un seul abus de la part des bénéficiaires de l’AME. Il faut savoir que c’est une population extrêmement pauvre. Il s’agit de personnes en situation irrégulière qui résident depuis plus de trois mois sur le territoire français. Chez nous cela correspond principalement à des migrants et des demandeurs d’asile.
Ce sont des patients qui n’ont aucun revenu, qui vivent pour la plupart dans la rue et qui viennent parce qu’on ne les accepte nulle part ailleurs. Certains n’ont même pas de quoi s’acheter les médicaments qu’on leur prescrit. Il m’arrive d’aller en "voler" à la pharmacie de l’hôpital pour leur permettre de débuter leur traitement.
Constatez-vous l’existence d’un tourisme médical en lien avec l'AME ?
Non. C’est un fantasme complet ! Je n’ai jamais observé et on ne m’a jamais rapporté de patients qui présenteraient leur carte d’AME pour faire soigner leur cancer. Je mets au défi quiconque de prouver l’existence d’un tel tourisme médical. Il n’existe aucun chiffre, seulement des bruits de couloir.
Les patients bénéficiaires de l’AME n’ont pas calculé de venir en France pour soigner des pathologies chroniques. Pourtant, je travaille dans l’hôpital le plus proche de l’aéroport de Roissy, donc si le tourisme médical existait, on le verrait chez nous.
En Seine-Saint-Denis, département le plus défavorisé de France, nous sommes au cœur du problème. Il y a une population fantôme, c’est-à-dire celle qui n’apparaît dans aucune statistique, comprise entre 300 000 et 500 000 personnes. C’est là qu’on retrouve les patients AME.
De quels types de pathologies les patients bénéficiaires de l’AME souffrent-ils principalement ?
Les patients viennent pour des pathologies aiguës et non pas des pathologies chroniques. Il y a des pathologies infectieuses pulmonaires comme la tuberculose, qu’on revoit apparaître, mais aussi des pathologies dermatologiques comme la gale. Elles ont pour point commun d’être contagieuses. Si on ne les prenait pas en charge, elles pourraient causer de graves problèmes de santé publique. L’AME a donc un effet de médecine préventive et permet d’éviter la dissémination des pathologies contagieuses. Mais nous faisons aussi de la traumatologie courante.
Est-il pertinent selon vous de réformer l’AME ?
En termes de santé publique, l’AME est nécessaire car elle concerne des patients extrêmement fragiles et les plus défavorisés. Une société civilisée qui croit au serment d’Hippocrate se doit de protéger les plus faibles. Il y a donc un aspect éthique.
D’un point de vue sociétal, laisser des patients dans la rue avec des pathologies contagieuses nous fera payer trois fois plus que ce que coûte l’AME aujourd’hui. Je suis révolté !
On a tout intérêt, au contraire, à maintenir ce dispositif et même à l’étendre aux personnes qui résident depuis moins de trois mois sur le sol français. Il faut pouvoir prendre en charge ces patients-là. Ce sont pour l’instant des patients sans droits.
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