Nul besoin d’être polytechnicien pour faire le calcul et tirer les conclusions. En réclamant 10 milliards d’euros d’économies à la seule assurance-maladie, soit un cinquième de l’effort global sur les dépenses publiques entre 2015 et 2017, l’exécutif a placé le secteur de la santé sous forte pression budgétaire.
Certes, Marisol Touraine a assuré qu’il n’était pas question de remettre en cause le modèle social en procédant à des déremboursements ou en créant des franchises nouvelles, « une ligne rouge à ne pas franchir ». Pour autant, la contrainte sera sans précédent puisqu’elle suppose d’épargner, par rapport à l’évolution naturelle des dépenses, environ trois milliards d’euros supplémentaires chaque année sur l’assurance-maladie (en déficit attendu de 6,1 milliards d’euros en 2014). En attendant les arbitrages, la chasse aux milliards est ouverte. Tour d’horizon non exhaustif des principales pistes ou réformes sur la table.
Structurer les soins primaires, recentrer l’hôpital
Donner de la lisibilité et surtout mieux coordonner les acteurs libéraux de proximité afin de « recentrer » l’hôpital sur ses missions : c’est l’ambition affichée de Marisol Touraine qui parle de « virage ambulatoire ». Les syndicats de praticiens libéraux, à l’unisson, réclament ce rééquilibrage qui passe, pour eux, par des transferts de moyens à la ville (pour organiser les sorties précoces d’hôpital, les alternatives à l’hospitalisation, le maintien à domicile...). Il faut « oser déshospitaliser », résume la CSMF. Le MEDEF suggère de réserver l’hôpital à la prise en charge des cas lourds et complexes, des urgences avérées et de réduire les surcapacités hospitalières. Invités à maigrir, les hôpitaux publics exposent leurs propres recettes, par la voix de la FHF, pour engranger 5 milliards d’euros d’économies (lire ci-dessous).
Doper la chirurgie ambulatoire
La Cour des comptes a jeté en 2013 un pavé dans la mare : la montée en puissance de la chirurgie ambulatoire pourrait procurer 5 milliards d’euros, chiffre contesté. Le taux de chirurgie ambulatoire est deux fois moins élevé en France que celui atteint dans certains grands pays comparables, où 80 % des interventions sont réalisées en ambulatoire. Cette piste est prioritaire. Reste à savoir si elle s’accompagnera d’une vraie restructuration - c’est-à-dire de fermetures de lits dans le parc chirurgical conventionnel. Manuel Valls a déclaré qu’on « peut beaucoup travailler sur la question de la chirurgie ambulatoire, restructurer l’offre de soins hospitaliers ».
Diminuer les prix et les tarifs
À l’hôpital, la FHP (cliniques) évalue à 7 milliards d’euros de « surcoût » l’écart tarifaire entre les secteurs public et privé. La Fondation IFRAP, un think tank qui analyse la performance des politiques publiques, estime que la convergence tarifaire pourrait procurer 5 milliards d’euros d’économies par an. Peu probable que le gouvernement, qui a supprimé la convergence tarifaire, emprunte cette voie. Il devrait en revanche continuer à utiliser le levier classique de la baisse des prix des médicaments et des tarifs des actes dans certaines spécialités médicales.
Réduire les actes inutiles, réguler les transports...
S’attaquer aux « excès et aux abus » : François Hollande a lancé ce mot d’ordre. Les gisements d’économies résident dans la diminution d’actes et prescriptions inutiles et/ou redondants. Dans un rapport au vitriol, l’Académie de médecine s’est penchée en 2013 sur la pertinence des actes. Elle ciblait certains dépistages de masse, les bilans de santé systématiques, les examens biologiques souvent « mal formulés et hiérarchisés », l’échographie « banalisée », les « répétitions inutiles d’analyses », les « prescriptions floues » (bilan thyroïdien, hépatique). Le développement d’outils d’aide à la prescription, des protocoles et référentiels pourrait réduire les gaspillages.
En septembre 2012, la Cour des comptes a identifié un potentiel d’économies de 440 millions d’euros sur les seuls transports sanitaires. Mais cela suppose d’affronter des lobbies (taxis, ambulances, VSL).
Médicament : génériques, produits à l’unité...
Beaucoup a déjà été fait, beaucoup reste à faire : comme vient de l’annoncer la CNAM (lire page 3), les remboursements de médicaments de ville (22 milliards d’euros) ont baissé pour la deuxième année consécutive grâce aux baisses de prix, à la maîtrise médicalisée et à la substitution générique. Au grand dam des laboratoires, le secteur du médicament est chaque année le principal contributeur aux économies (environ un milliard d’euros). S’agissant des médicaments à l’unité, « il n’y a pas de simulation sur l’efficacité économique de cette mesure », prévient Frédéric van Roekeghem, directeur de l’assurance-maladie.
Réduire les frais de gestion et de fonctionnement
Cette question revient sur le tapis, même si la CNAM a restructuré son réseau, modernisé ses systèmes d’information et dématérialisé ses services, sous l’impulsion de son directeur actuel. « On peut trouver des pistes sur la gestion des caisses de Sécurité sociale [les CAF et caisses de retraite sont concernées] », a déjà prévenu Manuel Valls sur RMC. Le potentiel d’économies sera très différent si le gouvernement conserve le même nombre d’organismes ou s’il impose des fusions.
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