Avoir des idées sur la santé quand on est dans l’opposition, c’est une chose. Les traduire en actes une fois que l’on arrive au pouvoir, c’en est une autre. Telle est du moins la conclusion que l’on peut tirer en se penchant sur les programmes présidentiels élaborés par les Mitterrand, Chirac et autres Hollande… avant d’arriver aux responsabilités.
« Le Conseil de l’Ordre des Médecins sera supprimé. » C’est ce qu’assurait en 1981 la 85e des 110 propositions de François Mitterrand. En 1988, sa Lettre à tous les Français émettait un vœu que l’on peut aujourd’hui qualifier de pieux : que « le corps médical soit formé à l’économie de la santé ». Dans un cas comme dans l’autre, l’Histoire a donné raison au Dr Henri Queuille, président du Conseil sous la IVe République qui aimait à répéter que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Mais il ne faudrait pas croire que les engagements sanitaires non tenus sont l’apanage de François Mitterrand.
En 1995, cherchant à se démarquer de son concurrent Edouard Balladur, Jacques Chirac avait par exemple tiré un peu fort sur la corde sociale. « Je refuse l'idée exprimée par certains de plafonner les dépenses sociales, notamment des dépenses de santé par rapport à la richesse nationale », avait-il déclaré en février devant 10 000 supporters rassemblés à la porte de Versailles. Quelques mois après ce discours, les ordonnances Juppé engageaient l’Assurance maladie dans la logique de maîtrise comptable des dépenses de santé que nous connaissons actuellement : celle des Lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) et de leur mètre-étalon, l’Objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (Ondam).
Les urgences en 30 minutes
Et -même si les honoraires ont effectivement été revalorisés ensuite- que dire de la promesse formulée en 2002 par un Jacques Chirac devenu président de cohabitation, qui consistait à « remettre à niveau les conditions d'exercice et les honoraires des professions de santé, parce que nous avons confiance dans nos médecins » ? Ou encore de celles de Nicolas Sarkozy, qui en 2007 chouchoutait les cabinets de groupe en envisageant un « alignement de leurs honoraires sur ceux des spécialistes », et qui faisait miroiter aux assurés sociaux une augmentation de 50 % des remboursements sur l’optique et le dentaire ? Quant à François Hollande, il assurait en 2012 que, lui président, la tarification hospitalière serait réformée « pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés ».
Mais il faut aussi être juste avec les aspirants présidents, et remarquer que certaines au moins de leurs promesses en matière de santé ont été tenues. Le même candidat Hollande avait annoncé aussi qu'un « délai maximum d’une demi-heure » serait fixé « pour accéder aux soins d’urgence », une promesse qui a connu un début de concrétisation avec correspondants de SAMU et achat d'hélicoptères. Quant aux Agences régionales de santé (ARS) ou aux franchises, elles figuraient bel et bien dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2007. L’encadrement des dépassements d’honoraires tenait aussi une place de choix dans celui de François Hollande en 2012. Et si l’on ne trouve dans ce dernier nulle trace du tiers-payant généralisé qui a fait couler tant d’encre, c’est uniquement parce que cette promesse a surgi en cours de campagne, au mois de mars, une fois que les programmes étaient bouclés.
Dans la conclusion de la biographie qu’il a consacrée en 2015 à François Mitterrand, Michel Winock égratigne quelque peu la mémoire du premier président socialiste. « Pour lui, l’important n’a jamais été le programme », écrit l’historien. Un constat qui peut globalement s’appliquer à nombre de ses successeurs en matière de santé.
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