À quoi ont servi les URPS ?

Sur l'île de Beauté, la télédermatologie bien dans sa peau

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Publié le 29/01/2021
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À quelques semaines des élections en médecine libérale, « Le Quotidien » poursuit son tour de France des URPS, en présentant dans chaque région un projet emblématique. Dans ce numéro, zoom sur la Corse, qui a misé sur la télédermatologie pour épauler les généralistes et les patients isolés, dans un contexte de démographie médicale fragile.  
Plus de 1200 requêtes de télé-expertise en cinq ans

Plus de 1200 requêtes de télé-expertise en cinq ans
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Que faire face à un patient avec une plaie ou des plaques suspectes sur la peau ? Pour un généraliste sans confrère dermatologue à proximité, la solution n'est pas si simple. Dès 2015, le Dr Florence Ottavy, alors au bureau de l'URPS Corse, s'est saisie du problème et a mis en place une solution de télédermatologie basée sur la télé-expertise.

« Tout est parti d'un appel à projet dans les régions, lancé par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues fin 2013. L'ambition était de développer la télédermatologie en libéral, se souvient le Dr Ottavy, dermatologue, aujourd'hui retraitée. J'ai décidé de me lancer, je souhaitais faire quelque chose d'innovant. La Corse n'a pas été choisie, mais de fil en aiguille, j'ai réussi à convaincre l'agence régionale de santé (ARS) en me basant sur une expérimentation locale. J'avais interrogé les médecins de Corse, qui étaient intéressés car la démographie de spécialités commençait à chuter. »

L'Union contractualise alors avec l'ARS, qui lui octroie une subvention via le fonds d'intervention régional (37 000 euros), la télémédecine n'étant pas encore inscrite dans le régime de droit commun de remboursement par l'Assurance-maladie. « Cela a servi surtout à rémunérer les dermatologues sollicités, à hauteur d'un C2, soit 46 euros, détaille le Dr Ottavy. Les demandeurs d'avis, les généralistes, recevaient 7 euros ». 20 000 euros supplémentaires seront accordés par l'ARS au bout de trois ans.

Une réponse en « 24 à 48 heures »

La mayonnaise prend. 45 conventions tripartites (22 en Haute-Corse et 23 en Corse-du-Sud) sont signées avec des médecins généralistes, dont 26 ont participé « activement » à l'expérimentation. Ces derniers, face à des plaies chroniques ou à des suspicions de tumeurs cutanées, pouvaient solliciter une télé-expertise via une plateforme dédiée, photos à l'appui, auprès de l'un des six dermatologues engagés dans le dispositif.

Le Dr Dominique Poggi, généraliste et créateur de la maison de santé de Cargèse (Corse-du-Sud), a fait l'expérience de cet outil qu'il juge « très positif » dans un contexte démographique tendu. « Je m'en servais en moyenne une fois par semaine, témoigne-t-il. Généralement, j'avais une réponse en 24 à 48 heures, ce qui répondait à un vrai besoin car il faut 6 à 8 mois pour avoir un rendez-vous en dermatologie à Ajaccio ! »

Plateforme 100 % corse

Au total, 1 222 demandes de télé-expertise ont été réalisées entre 2015 et 2020, pour 1 202 patients, recense l'URPS. 885 requêtes concernaient des tumeurs (dont plus de 300 supposées malignes et 104 confirmées) et 295 des plaies. Dans plus de deux tiers des cas, les sollicitations de télé-expertise concernaient des patients vivant à plus de 25 km d'un dermatologue. « Le projet a rapidement pris de l'ampleur et au bout du compte ça a été l'aventure de ma carrière », résume le Dr Ottavy.

Cette expérimentation terminée, l'URPS-ML a continué de plus belle sur sa lancée. Depuis fin 2017, l'Union porte la plateforme de télémédecine 100 % corse « Alta-Strada », indépendante des tutelles. Celle-ci se veut « une réponse complémentaire aux problèmes d'accès aux soins » et vise à mettre en relation facilement patients et médecins, généralistes et spécialistes, précise le Dr Augustin Vallet, secrétaire général adjoint de l'URPS en charge de ce projet. « Alta-Strada s'inscrit dans la continuité de l'expérimentation de télédermatologie, conclut-il. L'objectif est de pérenniser l'activité de télémédecine sur l'île. » 

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin