Harcèlement dans les laboratoires de recherche : le CNRS veut des mesures

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Publié le 19/03/2018
Labo harcèlement

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Crédit photo : S. Toubon

« Compte tenu des cas qui lui ont été rapportés — intolérables eu égard aux principes éthiques de base de toute activité humaine —, le COMETS se demande si les moyens mis en œuvre aujourd’hui pour s’opposer au harcèlement sexuel dans le milieu de la recherche sont suffisants. »

Ce questionnement du Comité d'éthique du CNRS l’a conduit à s'autosaisir du sujet afin, dit-il, « d'explorer de nouvelles pistes » pour aider les victimes et attirer l'attention sur « la gravité des faits » dans l'enseignement supérieur et la recherche, « et tout particulièrement au CNRS ».

Ses conclusions adoptées en séance plénière le 5 mars et publiées sur son site témoignent comme le dit l'avis « d'une prise de conscience croissante » dans le monde et en France. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, s'apprêtent d'ailleurs à lancer ce lundi une campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur ».

3 ou 4 cas signalés par an au CNRS

Selon le Comité d'éthique du CNRS, « le sexisme et, à son extrême, le harcèlement sexuel » existe bel et bien dans les laboratoires de recherche et sont « trop rarement sanctionnés ». Au CNRS, « trois ou quatre cas sont signalés chaque année au niveau national et depuis 2011 sept ont été instruits, dont pour l’instant (en 2017) quatre ont déjà donné lieu à des sanctions », souligne l'avis. Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, précise le comité, soit parce que les cas signalés n'apparaissent pas au grand jour (souhait quelquefois des victimes elles-mêmes), soit parce que ces cas ne sont pas traités.

Malgré l'action menée par l'association Clasches (Collectif de lutte contre le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur) qui recueille les témoignages de victimes dans l'enseignement supérieur et leur donne des conseils, « autocensure et omerta », prévalent sur ces questions, note le comité d'éthique. 

Toutefois, deux « très graves affaires », révélées par la presse en 2017, ont conduit à des sanctions exemplaires : l'une à l'université de Lille III où un maître de conférences en psychologie a été interdit d'enseigner et d'encadrer pendant un an et demi, sanction prise en décembre 2017 pour sanctionner un harcèlement sexuel sur au moins quatre étudiantes ; l'autre concernant une unité de recherche sur les maladies infectieuses à Marseille, a abouti à la révocation d'un directeur de recherche CNRS et d'un chargé de recherche pour harcèlement sexuel dans un contexte de harcèlement moral généralisé.

Tout mettre en œuvre pour faciliter le signalement

D'une manière générale, les victimes ont du mal à signaler et une fois la plainte déposée, son traitement reste pour elles, une étape difficile et déstabilisante. Le comité appelle à tout mettre en œuvre pour faciliter le signalement. 

Ses recommandations « en conformité avec les souhaits exprimés par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation » s'adressent aux institutions et aux victimes. Le COMETS invite les victimes à ne pas rester isolées, à rechercher des témoignages dans leur milieu de travail ou à contacter des associations comme Clashes. Il recommande la mise en place de cellules d'accueil et d'écoute au niveau des établissements et une cellule au niveau national pour les cas qui ne peuvent se régler localement. Le comité souhaite qu'un bilan des faits de harcèlement soit réalisé ; il souligne la nécessité d'un affichage plus clair des sanctions encourues et le renforcement de la formation à la prévention du harcèlement sexuel auprès de tous les personnels. Enfin, le COMETS appelle à une actualisation de la fiche CNRS relative au harcèlement sexuel au travail et la diffusion généralisée du guide vade-mecum 2017.


Source : lequotidiendumedecin.fr