Le prix Paroles de patients

« Le Syndrome du bocal », humour et gravité

Publié le 17/11/2009
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C’EST UNE HISTOIRE qui finit bien. Claude Pinault est un homme heureux. Hier, il a reçu le

prix Paroles de patients pour son récit, « le Syndrome du bocal ». Ce prix, organisé par le LEEM (Les Entreprises du médicament) met en valeur « le rôle du patient et des proches dans sa façon d’aborder la maladie, de lutter contre sa progression, de participer au traitement » et il « souligne l’importance de la parole dans la guérison ».

« C’est extraordinaire. Je me sens comme un petit garçon qui voit Noël arriver avant l’heure. » Claude Pinault est aujourd’hui un homme heureux, mais pas seulement grâce à cette récompense. Il est plutôt un enfant heureux, car il répète à l’envi que sa « vie a changé quand il est tombé malade et qu’il est aujourd’hui un petit garçon de 4 ans ».

C’était il y a quatre ans, en effet : l’entrepreneur dynamique de 54 ans est touché par un syndrome de Guillain-Barré, qui le rend tétraplégique, « prisonnier d’un bocal ». Les médecins rendent des diagnostics plus terrifiants les uns que les autres. On ne lui laisse aucun espoir de pouvoir remarcher un jour. Pourtant Claude, d’un naturel optimiste à tous crins, se répète dans sa tête : « En mars, je marche. » « Je trouvais que cela sonnait bien. »

Quatorze mois d’hospitalisation, dont trois en réanimation et 300 jours sans bouger le petit doigt plus tard, il se retrouve enfin assis dans un fauteuil roulant à coucher sur le papier ces deux années passées dans un bocal. « Je me souvenais de tout, absolument tout. Ce ne sont pas des choses que l’on peut oublier. D’ailleurs, j’ai voulu tout raconter, même certains détails érotiques un peu crus. Mais les gens doivent savoir ce que signifie la double peine pour une personne privée de ses mouvements. Pour une personne handicapée, la sexualité, il faut mettre une croix dessus. J’ai essayé de le raconter avec humour afin que la lecture de mon livre soit agréable. »

Objectif rempli, manifestement, puisqu’avant de séduire le jury du Prix du LEEM, il a bien d’abord fallu qu’il accroche la curiosité de l’éditeur, en l’occurrence Raphaël Sorin (éditeur de Houellebecq). « Je lui avais adressé mon texte, sous-titré "roman", pensant que ce serait plus vendeur que le xième témoignage d’un rescapé de la maladie mais c’est lui qui a insisté pour qu’on le nomme "récit" ».

Guérison psychosomatique.

Ce drame, dont l’issue aurait pu être fatale, se révèle finalement une expérience extrêmement positive pour l’entrepreneur, qui avait toujours rêvé de devenir romancier. À 15 ans, il écrivait un premier ouvrage, jamais édité, et se dirigeait vers des études d’agronomie pour satisfaire ses parents. « Je me mets à faire de la psychologie à deux balles, s’amuse-t-il, mais c’est vrai, je suis dans la résilience. Il a fallu cette maladie pour que finalement je réalise enfin mon rêve d’enfant. C’est incroyable. » Il s’attelle actuellement à l’écriture d’un deuxième ouvrage, qui sera lui aussi d’inspiration autobiographique.

« Je considère que ma guérison est psychosomatique. Je me suis imposé des exercices de PNL (programmation neurolinguistique) et, surtout, surtout, je me suis convaincu que je remarcherai un jour. Je veux vraiment que les gens à qui il arriverait la même chose que moi gardent espoir. En tout cas, face aux statistiques scientifiques, ils ont au moins le droit de garder espoir. »

Le jury, composé de douze jurés (médecins, psychologues, journalistes), a distingué ce témoignage des trois autres finalistes (« le Dernier Verre », d’Olivier Ameisen, « Mon père a un cancer », de Gabs, et « Bonjour, ma douce vie », de Sybille Claudel), eux aussi sélectionnés pour la « qualité du style » et leur « capacité à transformer une douleur intime en un message universel ». Le Dr Marc de Fromont, pathologiste et membre du jury, a trouvé dans cet ouvrage « une distanciation admirable, un humour étonnant et une absence totale de commisération ». La psychologue Marie de Hennezel a, elle, apprécié la démonstration de «  l’importance de l’optimisme et de la volonté dans le processus de guérison. La lecture de ce livre fait et fera du bien ».

C’était la deuxième édition du prix Paroles de patients. L’an passé, il avait récompensé « Une promenade de santé »,de Christian et Olga Baudelot.

« Le syndrome du bocal », Claude Pinault, Éditions Buchet Chastel.

 AUDREY BUSSIÈRE

Source : lequotidiendumedecin.fr