Les Académies de médecine et de pharmacie apportent leur soutien à la loi recherche pourtant controversée

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Publié le 10/07/2020
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Crédit photo : PHANIE

Alors que de nombreuses voix s'élèvent depuis plusieurs mois pour dénoncer la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) 2021-2030, l'Académie nationale et médecine et l'Académie nationale de pharmacie « saluent les avancées du projet de loi » et « se félicitent de la place consacrée à la recherche en biologie-santé » dans un communiqué ce 10 juillet. 

La LPPR devait être présentée ce 8 juillet en Conseil des ministres. Le remaniement ayant bousculé le calendrier, le texte devrait être officiellement dévoilé au gouvernement le 15 juillet prochain. 

Le montant des financements divise

Les Académies de médecine et de pharmacie saluent d'abord l'augmentation du budget de la recherche de 23,8 milliards d'euros sur 10 ans, ce qui porte la part des crédits publics consacrés à la recherche de 0,74 % à 0,9 % du PIB en 2030, « la rapprochant des taux actuels de l'Allemagne, de l'Autriche ou des pays nordiques ». Tel n'est en revanche pas l'avis de l'Académie des sciences : « 0,9 % du PIB est encore loin des objectifs initiaux. Le passage de 5 à 10 ans sur la mise en place de cette augmentation du budget a pour effet non seulement de diluer l'effort, mais aussi, du fait de l'inflation, de diminuer fortement son impact », lit-on dans un avis du 3 juillet. 

L'insuffisance des financements a aussi été épinglée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou encore par l'Assemblée des directions de laboratoire, qui considèrent « symboliques » les augmentations portant sur 2021 et 2022 : « c’est immédiatement que le rattrapage doit être entrepris par des engagements financiers à la hauteur », s'émeut-elle. 

Plaidoyer pour une coordination nationale 

Malgré une tonalité plutôt optimiste, les Académies de médecine et de pharmacie regrettent que la LPPR ne mentionne pas de rôle de coordination nationale pour impulser des perspectives et une stratégie nationale cohérente en matière de biologie-santé. « La désorganisation de la réponse de la recherche sur la Covid-19 démontre suffisamment le besoin d'une alliance renouvelée, après le constat du gaspillage des maigres ressources des appels à projets lancés de façon anarchique et des essais cliniques en nombre pléthorique », considèrent-elles. Les Académies rejoignent sur ce point le constat des sénateurs de la commission de l'éducation, qui en juin appelaient à confier la coordination sur le Covid-19 à une structure de pilotage unique.  

Et comme les médecins du Collège national des généralistes enseignants, du Collège de la médecine générale, de l’ANEMF et de l’ISNAR-IMG, l'Académie de médecine considère que le comité territorial de la recherche en santé créé par la LPPR pour animer la recherche clinique entre l'hôpital et la ville, devrait être sous la responsabilité des universités, et non des CHU.

L'intégrité scientifique et l'éthique menacées, selon le CNRS

De son côté, le comité d'éthique du CNRS (Comets) considère que plusieurs mesures de la LPPR nuisent à l'intégrité scientifique et à l'éthique, alors que la crise liée au Covid-19 a pourtant mis en évidence des risques de dérives. Ils pointent ainsi du doigt : un financement par projet (au détriment de dotation pérenne), une dynamique de compétition « propice au développement de conduites inappropriées, telles la falsification des résultats ou l’obscurcissement des données et des sources », la précarité des personnels, la prédominance de critères bibliométriques dans le recrutement et l'évaluation des chercheurs, ou encore l’incitation à des activités contractuelles, qui risque de générer une multiplication de liens d'intérêts.

Quant à l'Assemblée des directions de laboratoires publics, elle déplore que « la LPPR propose d’imiter sans discernement un prétendu modèle international érigé en standard (financement sur projet, tenure tracks/ chaires de professeur junior, etc.) ». Or plaquer de tels modèles, sans tenir compte des spécificités des pays, ni des critiques qui émergent, reviendrait à « ignorer les avantages de la spécificité française mais aussi à l’exposer au risque du cumul des inconvénients », concluent les directeurs de laboratoires publics, toutes disciplines confondues.


Source : lequotidiendumedecin.fr