L’industrie du médicament face à la crise

Les laboratoires adaptent leur stratégie

Publié le 16/06/2010
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Crédit photo : S Toubon

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Crédit photo : S Toubon

ESTIME à 26,8 milliards d’euros en 2010 (après 20,3 milliards d’euros en 2009 et 10,2 milliards d’euros en 2008), le déficit du régime général français atteint des niveaux inédits. Dans ce contexte, la tentation est grande de revenir aux bonnes vieilles méthodes de régulation par le prix des médicaments. Ou par le taux de prise en charge. Au mois d’avril dernier, une liste d’environ 170 spécialités ont vu leur taux de remboursement passer de 35 à 15 %, pour une économie attendue d’environ 145 millions d’euros. Le gouvernement a également affiché sa volonté de baisser aussi le prix de certains produits. Après des années de croissance à deux chiffres, les laboratoires tirent un peu la langue en matière de résultats financiers, d’autant que leurs pipelines (catalogue de produits en développement) sont nettement moins garnis qu’avant. Et une étude américaine évalue à plus de 75 milliards d’euros le chiffre d’affaires conjoint des molécules pharmaceutiques qui vont perdre leur brevet dans les cinq prochaines années. Tout ceci amène les labos à revoir leur stratégie et à explorer de nouvelles pistes de développement.

Diversification.

Première solution, la diversification des sources de revenus, dans le domaine du diagnostic, du dispositif médical ou des biotechnologies, par exemple. Pour la société Alcimed, une entreprise spécialisée dans le conseil et l’investissement, et qui travaille beaucoup avec l’industrie pharmaceutique, « les laboratoires réfléchissent désormais à de nouveaux modes de diversification. La tendance est d’aller vers l’ensemble du marché de la santé. Pourquoi se limiter au seul médicament ? ». Comme Sanofi, qui a racheté récemment les laboratoires Oenobiol, un spécialiste des compléments alimentaires. Ou Roche, qui vient de racheter le laboratoire de biotechnologies Genentech.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier devient une nécessité. Pour Gérard de Pouvourville, économiste de la Santé, une autre approche consiste à « se diversifier géographiquement vers les marchés émergents ». Des marchés comme celui de l’Amérique latine font l’objet de toutes les attentions des « big pharmas », qui y voient l’occasion d’y distribuer des médicaments auxquels ces pays n’avaient pas accès auparavant. Si les autorités de tutelle de ces pays ne sont pas toujours en mesure de payer le prix fort pour offrir ces traitements à leurs populations, ces médicaments ont déjà été rentabilisés par les ventes dans les pays développés. Cette diversification géographique permet donc aux laboratoires d’accroître leurs revenus sans nécessité préalable de procéder à des investissements massifs.

Indications.

Une autre approche, plus complexe, consiste, pour des nouvelles molécules, à ne demander d’admission au remboursement que pour des indications restreintes. « Attention, prévient Gérard de Pouvourville, cette stratégie n’est pas guidée que par des soucis commerciaux. Les laboratoires savent bien que les pouvoirs publics sont de plus en plus sensibles aux problèmes de sécurité sanitaire et qu’ils regardent à deux fois avant d’accorder des admissions au remboursement pour des indications multiples ». Il n’en reste pas moins que cette approche permet parfois, compte tenu des volumes peu importants mis en avant, de négocier des prix de vente plus élevés. Quitte à revoir ensuite le prix du médicament à la baisse si de nouvelles indications sont acceptées par les pouvoirs publics.

Une note d’espoir enfin pour les laboratoires. La tendance est à estimer que l’avenir du médicament n’est plus dans la chimie mais dans les biotechs. Mais à ce sujet, Gérard de Pouvourville indique que dans le domaine de la fibrillation auriculaire persistante (qui provoque 140 000 AVC par an rien qu’en France) plusieurs laboratoires travaillent à la mise au point d’un nouvel anticoagulant ne nécessitant pas de monitoring approfondi, comme c’est le cas actuellement avec les traitements par anti-vitamine K. 800 000 patients seraient concernés rien qu’en France par cette pathologie. De quoi redonner le moral à ceux qui redoutent la fin du médicament chimique.

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8791