Pour développer un médicament, il y a la recherche in vitro, la recherche in vivo… et puis il y a la recherche in silico, qui se déroule dans le silicium de l’ordinateur. C’est cette dernière qui est la spécialité de Marc Lavielle, directeur de recherche Inria et membre du CMAP. Son rôle : développer de nouvelles méthodologies de modélisation statistique pour étudier la pharmacocinétique d’un médicament, la dynamique d’un virus, ou encore l’effet d’un traitement.
« La moitié des essais cliniques de phase 3 sont des échecs, cela coûte des sommes faramineuses », remarque le mathématicien. D’où l’idée de développer des outils permettant aux industriels et aux chercheurs d’obtenir lors des essais un maximum d’informations pour le coût le plus faible possible. Des logiciels qui doivent permettre aux décideurs de trancher sur la poursuite ou l’arrêt du développement d’un médicament en toute connaissance de cause.
Monolix et Simulx chez les pharmacométriciens
Oui, mais comment ? « Comme il n’est pas possible de tester toutes les combinaisons possibles chez l'homme, nous utilisons la simulation numérique », dévoile Marc Lavielle. Son équipe a notamment développé Monolix et Simulx, deux logiciels qui permettent aux biologistes ou aux pharmacométriciens d’ajuster leurs modèles et d’effectuer des simulations.
« Monolix est un outil développé par la startup Lixoft à laquelle j’apporte mon concours scientifique, détaille Marc Lavielle. Ce logiciel est utilisé dans la phase de construction du modèle : on peut y entrer des données d’essais cliniques, et il sort des valeurs de paramètres qui permettent d’ajuster le modèle aux données. Une fois qu’on est content de son modèle, on peut utiliser Simulx pour savoir, par exemple, ce qui va se passer en termes de toxicité si on donne 100 mg de tel médicament au patient toutes les 24 heures, ou au contraire 50 mg toutes les 12 heures. »
Algorithmes stochastiques et modèles compartimentaux
Derrière ces outils informatiques qui se veulent ergonomiques se cache bien entendu une mécanique compliquée. « Nous utilisons en général des modèles compartimentaux, dont nous estimons les paramètres avec des algorithmes stochastiques », explique Marc Lavielle. Monolix et Simulx sont aujourd’hui largement utilisés dans le monde académique, pour lequel ils sont gratuits. Ils sont également à l’œuvre dans l’industrie pharmaceutique chez des grands noms comme Sanofi, Servier, Novartis, Roche, Merck… qui doivent pour leur part payer une licence.
Mais pour Marc Lavielle, chercheurs et industriels ne seront pas forcément demain les seuls utilisateurs finaux des techniques de simulation numérique qu’il développe. Les médecins pourraient en effet également être intéressés. « Je pense que la médecine de précision est un débouché assez naturel, confie-t-il. Dans une maladie comme le diabète, on pourrait offrir une méthode qui permettrait d’utiliser les caractéristiques propres d’un patient pour prédire et ajuster le traitement. »
Reste une question : les médecins accepteront-ils de travailler avec un logiciel dont ils ne maîtrisent pas forcément le mode de fonctionnement ? « Quand j’allume mon ordinateur, je ne sais pas exactement comment il marche », rétorque le mathématicien… avant de reconnaître qu’il ne peut proposer que des outils d’aide à la décision, et non des outils de décision.
Article précédent
Ces mécaniques high-tech qui vont nous réparer
Article suivant
Quand les robots opéreront seuls
Ces mécaniques high-tech qui vont nous réparer
Les maths au secours de la recherche clinique
Quand les robots opéreront seuls
Le big data made in France
On révolutionne la médecine près de chez vous
La nanomédecine grossit
Le projet CERVO revisite la chirurgie éveillée
Le charme discret de la physique des tissus mous
Les diagnostics des sciences sociales sur les évolutions de la médecine
Cellectis « dresse » des cellules pour combattre les cancers
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie