Recherche en biologie-santé : l’Académie de médecine appelle à « simplifier », « soutenir » et « favoriser les liens public-privé »

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Publié le 27/07/2021
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Crédit photo : Phanie

Si elle se réjouit de la « prise de conscience des besoins budgétaires criants de la recherche en biologie-santé » qui se traduit par le lancement d’un plan d’investissement de plusieurs milliards d’euros sur cinq ans (Plan Innovation santé 2030), l’Académie nationale de médecine (ANM) appelle à pérenniser cet effort financier et à engager une transformation du paysage de la recherche.

Annoncée fin juin dans la suite des travaux du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), l’action budgétaire du gouvernement « ne saurait suffire à doter la France d’une recherche forte en biologie-santé, à la repositionner dans la compétition internationale et à attirer les talents et les investisseurs nécessaires au renforcement de ses capacités d’innovation », estime l’ANM dans un communiqué du 21 juillet.

Un budget en chute de 22 % en 11 ans

L’Académie dresse en effet un constat sévère sur l’état de la recherche française en biologie-santé. Présentant les réflexions de l’ANM, élaborées en 2019 en préparation de la loi de programmation de la recherche (LPR - finalement adoptée en 2020), le Pr Patrick Netter a dénoncé le « déclin » français devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), en juin dernier. En nombre de publications scientifiques, la France « est passée de la 5e place en 2000 à la 6e en 2010 et à la 10e en 2019 », regrette-t-il. Et le budget consacré à la recherche en biologie-santé a chuté « de 22 % en 11 ans », poursuit le pharmacologue.

Outre un déficit de financement, la recherche apparaît pénaliser par son organisation. En la matière, le déclin se traduit notamment par « un émiettement et une superposition de plus en plus incohérente des structures », qui « complexifient le fonctionnement des laboratoires », juge Arnold Migus, ancien directeur général du CNRS. Ce membre de l’Académie déplore également un « manque de coordination stratégique à tous les niveaux », une « dissociation entre recherche amont et clinique » et une « perte d’attractivité des postes ».

Face au « déclin dramatique » du financement et à l’« urgence de simplifier l’organisation et la gouvernance », l’ANM plaide pour une « politique pertinente d’innovation ». Devant l’Opecst, les académiciens ont détaillé quelques-unes de leurs recommandations pour y parvenir. Sur le volet financement, le soutien doit se traduire par une « augmentation des crédits de la recherche pour atteindre 30 à 50 % du budget de la MIRES (mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur, N.D.L.R.) dédiée à la biologie-santé », estime le Pr Netter.

La subvention aux structures hospitalières doit également être réformée, et les modalités d’allocation des financements révisées. L’attribution des dotations « socle » selon le SIGAPS (système d’interrogation de gestion, d’analyse des publications scientifiques) et le SIGREC (système d'information et de gestion de la recherche et des essais cliniques) « ne respecte pas les bonnes pratiques internationales et ne permet pas au ministère de déployer une stratégie de recherche hospitalière », selon lui.

Un appel à créer un Conseil d’orientation de la recherche hospitalière

Côté organisation, la principale recommandation porte sur la création d’un Conseil d’orientation de la recherche hospitalière (CORH), chargé de chapeauter la recherche en incluant les organismes de recherche. Pour assurer une lisibilité au-delà de la France, la création d’un « guichet unique », notamment pour les interlocuteurs européens, est préconisée. Tandis que la limitation du nombre de pôles hospitalo-universitaires pour en faire des têtes de réseaux régionaux doit faire émerger « des grands centres de recherche visibles à l’international », suggère Arnold Migus.

Plusieurs scénarios sont envisagés pour mettre en œuvre ses recommandations. Tous incluent la création d’un CORH. Le premier propose de donner à l’Alliance Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé) une personnalité morale avec des missions « fortes » de coordination. Mais ce scénario « revient à créer une nouvelle couche », nuance Arnold Migus. Un deuxième chargerait l'Inserm d’assurer la coordination en son sein. « Ses statuts le permettent », assure-t-il. Mais cette option pourrait se heurter à un « problème d’acceptabilité par les autres agences ».

Un troisième scénario vise une simplification « avec un schéma jacobin, s’inspirant du modèle "UK Research and Innovation", une holding regroupant toutes les agences indépendantes », explique Arnold Migus, qui y voit une organisation offrant un système intégré et une autonomie des organismes. Un tel dispositif permettrait aussi une unification des statuts des personnels des différents organismes de recherche, « un plus pour la mobilité », estime-t-il. Enfin, un dernier scénario, suivant un « schéma girondin », propose de « pousser l’autonomie des universités à son terme », en intégrant localement les CHU.

Dans sa réaction au Plan Innovation santé 2030, l’Académie suit les lignes dressées dans sa réflexion engagée avec la LPR. Ses mots d’ordre sont « simplifier », « soutenir » et « favoriser les liens public-privé ». L’idée de pôles de recherche hospitalo-universitaire comme têtes de réseaux régionaux centrés sur des CHU et celle d’une intégration dans la gouvernance des CHU d’une composante universitaire de recherche, d’innovation et de formation y sont reprises. Le soutien à la recherche fondamentale, la liberté académique ou encore le réinvestissement dans les infrastructures et les équipements y sont par ailleurs jugés essentiels.


Source : lequotidiendumedecin.fr