« LES UNITÉS médico-judiciaires, installées dans des CHU, sont des cache-misère. En dehors de ces quelques grands pôles, en effet, constate le Dr Walter Vorhauer, dans l’immense majorité des cas, les médecins sont contraints de naviguer entre les aberrations. » Le secrétaire général du CNOM (conseil national de l’Ordre des médecins) a participé au groupe de travail interministériel qui, sous l’égide de la Chancellerie, a réuni les représentants des ministères de l’Intérieur, de la Défense, de la Santé, ainsi que les autorités ordinales. Dans la continuité de la conférence nationale de consensus qui s’était précédemment réunie en décembre 2004, ce groupe a publié, en juillet dernier, un « Guide des bonnes pratiques » destiné à améliorer les consultations en garde à vue. Mais il y a loin entre les objectifs fixés par la loi et les réalités de terrain. Spécialement s’agissant des interventions auprès des mineurs, dès 10 ans pour les retenues.
La première aberration concerne le choix des praticiens. L’autorité requérante (procureur de la République, ou officier de police judiciaire) peut s’adresser à n’importe quel médecin. « Les experts près les cours d’appel spécialisés en évaluation du préjudice corporel auraient vocation à être en première ligne, remarque le Dr Vorhauer, mais tel n’est pas le cas. De même, il serait logique de faire appel à des pédiatres pour l’examen des mineurs. Mais ce n’est pas davantage la règle : sont sollicités des praticiens qui n’ont pas l’expérience d’enfants dans ces situations de grande détresse psychique. Il faudrait pourtant s’appuyer sur un exercice non occasionnel pour rédiger valablement un certificat de compatibilité ou de non-compatibilité de ces enfants avec la mise en retenue, ou en garde à vue. »
Des délais très courts.
Une autre aberration concerne l’obligation faite au praticien de répondre à toute réquisition, sous peine de poursuites et d’une amende de 150 euros. Il ne s’agit pas des médecins réquisitionnés dans le cadre de la PDS, souligne le secrétaire général du CNOM, puisqu’en l’occurrence, il n’est pas question d’assurer des soins. Certes, un médecin, suivant les circonstances, a le droit de se récuser, mais l’exercice de ce droit est fallacieux, puisque subordonné au fait de s’être déplacé pour répondre à la réquisition.
Autre problème majeur, la question de la disponibilité du praticien ne tient pas compte des contraintes auxquelles est soumis l’exercice médical. Pour un adulte, le médecin doit répondre en moins de trois heures. Mais pour un mineur de moins de 16 ans, il lui faut réagir sans délai en se rendant « immédiatement » dans les locaux de garde à vue, pour faire l’examen et rédiger le certificat. « Faudrait-il alors que le praticien sursoie à toute activité pour rester disponible à toute demande ? », s’interroge le Dr Vorhauer.
Les conditions d’examen ne sont pas moins satisfaisantes : la loi stipule que l’examen de la personne gardée à vue ou retenue doit être confidentiel, en dehors de toute vue ou entente extérieure, avec un équipement spécifique, table d’examen et chaise. Or, tous les commissariats ou gendarmeries ne remplissent pas ces conditions minimales pour le bon déroulement des consultations.
Une formation insuffisante.
La formation des médecins fait également problème. « Bien sûr, remarque le secrétaire général du CNOM, tout praticien est à même d’effectuer l’examen demandé, dans une optique de prévention et de repérage du suicide, des conduites addictives, des pathologies mentales, pour recueillir les doléances du patient, rechercher des pathologies particulières, contrôler la continuité des soins et, le cas échéant, proposer une prise en charge thérapeutique. En revanche, la question d’une formation sur l’environnement judiciaire est posée. Des connaissances de la procédure pénale et du fonctionnement des administrations s’imposent, qui devrait être dispensée à des médecins volontaires. »
Le dernier sujet d’achoppement n’est pas lié au niveau de la rémunération, mais au versement de celle-ci : les autorités ordinales sont saisies par des médecins qui attendent d’être payés depuis un ou même deux ans, eu égard aux difficultés budgétaires de la Justice.
Localement, face à ces diverses aberrations, les procureurs s’arrachent les cheveux. Les médecins eux-mêmes se sentent très exposés, avec des consultations qui peuvent engager lourdement leur responsabilité. Le Dr Vorhauer rappelle le cas d’un praticien qui fut condamné il y a une dizaine d’années pour homicide involontaire, après le décès d’une personne en garde à vue des suites d’une crise d’asthme aigu grave. Quant aux affaires qui ont défrayé l’actualité, ces deux dernières semaines, avec notamment les cas de trois adolescentes de 14 ans, impliquées dans une bagarre de collège, conduites menottées pour l’examen médical, il rappelle : « Le médecin a l’obligation de déclarer au procureur ses certitudes et ses suspicions de maltraitance commises dans les locaux de police. Des traces de compression laissées sur les poignets par des menottes relèvent de cet impératif de signalement. »
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