Covid-19 : deux nouvelles études plaident en faveur d'une origine zoonotique de la pandémie, à partir du marché de Wuhan, en Chine

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Publié le 27/07/2022

Crédit photo : AFP

Deux études publiées ce 26 juillet dans « Science » concluent que la pandémie de Covid-19 a commencé sur le marché de la ville de Wuhan, en Chine, pointant ainsi vers une très probable origine animale du virus.

La première étude est une analyse géographique montrant que les premiers cas détectés en décembre 2019 se concentraient autour du marché. La seconde est une analyse génomique du virus des premiers cas.

Évolution des positions des scientifiques

Le débat sur l'origine de la pandémie ne faiblit pas depuis trois ans, y compris parmi les experts. L'un des auteurs de ces études lui-même, Michaël Worobey, virologue à l'université d'Arizona, avait signé une lettre en 2021 appelant à mieux considérer l'hypothèse d'une fuite d'un laboratoire de Wuhan. Celle piste avait été qualifiée d'« hautement improbable » par la mission de l'Organisation mondiale de la santé et la République populaire de Chine. Mais les scientifiques signataires de la lettre considéraient que cette hypothèse avait été insuffisamment creusée, seulement 4 des 313 pages du rapport s'y arrêtant.

Les données analysées depuis « m'ont fait évoluer : aujourd'hui je pense qu'il n'est simplement pas plausible que le virus ait été introduit d'une autre manière qu'à travers le commerce d'animaux au marché de Wuhan », a expliqué Michaël Worobey lors d'une conférence de presse.

Kristian Andersen, de l'institut de recherche Scripps et lui aussi co-auteur de ces études, a de son côté déclaré : « Avons-nous réfuté la théorie de la fuite de laboratoire ? Non. Pourrons-nous le faire un jour ? Non. Mais je pense qu'il est important de comprendre qu'il y a des scénarios possibles, et d'autres probables. Et que possible ne signifie pas tout aussi probable. »

Le marché, épicentre de l'épidémie

La première étude a analysé les lieux de résidence de 155 premiers cas identifiés (sur les 174 cas pointés par la mission OMS-Chine) en décembre 2019. Les chercheurs ont montré que ces cas étaient concentrés autour du marché de Wuhan (indépendamment de la densité humaine), contrairement à ceux enregistrés les mois suivants (janvier et février 2020), qui eux coïncidaient avec les quartiers à forte densité, montrant la propagation du virus.

De plus, parmi les cas étudiés, les personnes n'étant pas directement liées au marché résidaient plus près de celui-ci que celles qui y avaient travaillé, s'y étaient rendues récemment, ou connaissaient une personne y exerçant. Cela indique qu'elles ont probablement été infectées du fait de leur proximité avec ce lieu, qui apparaît donc comme l'épicentre de l'épidémie de Covid.

Au-delà de ce travail de géolocalisation, les chercheurs ont également analysé des échantillons prélevés sur le marché en janvier 2020, par exemple sur une cage, des chariots ou des réfrigérateurs. Résultats : les échantillons positifs au Sars-CoV-2 (que ce soit des lignées A ou B) étaient concentrés dans le sud-ouest du marché, précisément là où des animaux vivants (des mammifères) étaient vendus (dont des chiens viverrins, une espèce de blaireau, des renards...), ce qui plaide en faveur d'une origine zoonotique du virus. En revanche, l'animal qui aurait servi d'intermédiaire entre les chauves-souris, porteuses de coronavirus, et l'humain n'a pas été identifié (faute d'échantillons animaux disponibles).

Concomitance des lignées A et B

La seconde étude est fondée sur l'analyse du génome du virus ayant infecté ces tout premiers cas. Elle conclut que deux lignées du virus, A et B existaient avant février 2020, dès fin 2019. Et que ces deux lignées ont probablement résulté d'au moins deux événements séparés de transmission aux humains, tous deux au marché de Wuhan, (alors que de précédentes études suggéraient que la lignée B avait évolué à partir de la lignée A) avant d'être disséminés au-delà. En revanche, il est improbable que le virus ait largement circulé chez les humains avant novembre 2019, estiment les auteurs.

À l'avenir, les scientifiques soulignent qu'il est important de comprendre d'où venaient les animaux vendus sur le marché de Wuhan, afin de minimiser les risques futurs.

Si des zones d'ombre subsistent donc, les chercheurs ont souligné que les informations disponibles sur les débuts de cette pandémie étaient en réalité très détaillées.

« Il y a ce sentiment général qu'il n'y a aucune information qui puisse nous dire quoi que ce soit sur l'origine de la pandémie de Covid-19, a commenté Kristian Andersen. C'est simplement faux. »

La responsable technique à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la gestion de l'épidémie de Covid-19, Maria Van Kerkhove, a salué la publication de ces études dans un tweet mardi.

« Il est essentiel que nous continuions à étudier les origines de la pandémie #COVID19 pour nous assurer que nous sommes mieux préparés à prévenir et à atténuer les futures épidémies et pandémies », a-t-elle déclaré.

C.G. (avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr