Une prise de parole à l'occasion de la journée mondiale

Démocratie sanitaire : les diabétiques ne renoncent pas

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Publié le 17/11/2020
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La Fédération française des diabétiques a consacré son colloque annuel à l'humanisme en médecine. Un appel à mieux prendre en compte la parole et l'expérience des patients, d'autant plus d'actualité avec l'épidémie de Covid.

Crédit photo : PHANIE

« Sommes-nous en bonne voie pour une médecine fondée sur l'humanisme ? ». Telle était la question à l'ordre du jour du colloque annuel organisé par la Fédération française des diabétiques (FFD) à l'occasion de la journée mondiale du diabète, le 14 novembre.

La réponse qui s'est dessinée en filigrane à travers les diverses interventions a été un appel à toujours mieux prendre en compte la parole et l'expérience des patients. « Nous avons trop tendance à oublier le troisième pilier de l'Evidence based medicine, que sont, à côté des données de la science et de l'expérience clinique, les préférences du patient. La personne diabétique ne se résume pas à une glycémie ni à une hémoglobine glyquée », a déclaré Jean-François Thébaut, vice-président de la FFD.

Fin des métiers interdits, réglementation de l'alimentation 

La FFD mène ce combat pour faire entendre la voix des diabétiques depuis l'après-guerre. En novembre 2018, les États généraux ont encore été l'occasion de déterminer plusieurs objectifs, à commencer par la fin de l'interdiction de certains métiers, comme contrôleur de train ou pilote d'avion. « C'est une interdiction obsolète eu égard aux évolutions des modalités de contrôle du diabète et de l'essor de l'éducation thérapeutique », a commenté la députée Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble), qui, alertée par la FFD, porte depuis 2018 une proposition de loi (PPL) visant à modifier les règles. Votée en janvier dernier par l'Assemblée nationale, la PPL transpartisane n'a pas encore été examinée par le Sénat. « C'est une proposition d'appel, destinée à une prise de conscience. Elle ne stigmatise pas les diabétiques puisqu'elle parle de maladies chroniques », a expliqué la députée, en pointant la difficulté à convaincre certaines institutions comme l'Armée. « Nous devons encore améliorer l'information de la société sur ce que sont le diabète et la possibilité d'une vie normale avec », a renchéri Marc de Kerdanet, président de l’Aide aux jeunes diabétiques (AJD).

Autre exemple de cause défendue par la FFD avec l'ambition de servir à tous : la promotion d'une alimentation saine, qui se traduit par le soutien du Nutri-Score, et un plaidoyer pour l'encadrement de la publicité pour des produits transformés à destination des enfants. Selon une étude de Santé publique France, plus de la moitié des spots vus par les plus jeunes à la télévision concernent des produits gras, salés et sucrés (Nutri-Score D et E). Mais la victoire est lointaine. « Quand les autorités versent un euro pour promouvoir l'alimentation saine, l'industrie alimentaire dépense 400 euros dans la publicité, a déploré Marc de Kerdanet. On ne peut pas prescrire la nutrition, ça doit rester un choix individuel, mais il est important d'avoir accès à l'information et de savoir trier ».

La crise du Covid, un révélateur

La crise du Covid a révélé combien les politiques publiques ne pouvaient ignorer les usagers. L'absence de ces derniers dans les décisions du printemps dernier a été perçue comme un déni de démocratie sanitaire. « La société civile a été exclue : des décisions hâtives ont été imposées sans les soumettre à l’avis des personnes en situation de maladie », a dénoncé Emmanuel Hirsch. L'éthicien lit même dans l'absence de discussion collective lors du déconfinement, l'explication de notre désarroi actuel face au reconfinement.

Concrètement, comment faire participer les usagers au débat public ? La FFD s'y emploie par exemple en menant des enquêtes auprès de ses adhérents au sujet de la télémédecine, dont la crise a encouragé le développement. « Nos enquêtes avant la pandémie montraient une forte appétence des diabétiques pour la téléconsultation, mais pas auprès de tous les publics, ni n'importe comment. Les jeunes, les femmes, les actifs, les types 1 et/ou sous insuline y sont les plus favorables, à condition que ce soit avec le médecin habituel et sans surcoût », a rapporté Jean-François Thébaut, précisant qu'une dernière enquête sera lancée en mars 2021 pour mesurer les changements induits par la crise.

Le président de France Assos Santé (et ex-président de la FFD) Gérard Raymond a salué, quant à lui, l'inflexion des pouvoirs publics qui ont (enfin) sollicité les représentants des usagers pour travailler sur la nouvelle application TousAntiCovid après l'échec de StopCovid.

Mais il appelle à toujours plus de participation à toutes les discussions, à travers un parlement des usagers, par exemple. Le Ségur de la Santé n'a été qu'un coup d'essai, considère-t-il, rejoignant l'avis de Jocelyne Wittevrongel, qui a piloté le groupe « Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers ». « En 60 jours, nous avons survolé le sujet de la prévention », regrette-t-elle. Et d'appeler à un Ségur de la prévention, qui ferait réellement discuter ensemble les acteurs de la santé.

 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin