Dr Claude Leicher (Fédération des CPTS) : « Le monde libéral mérite une juste rémunération pour les services rendus »

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Publié le 24/09/2018
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Crédit photo : S. Toubon

LE QUOTIDIEN : Emmanuel Macron annonce 200 communautés professionnelles (CPTS) dès 2019 et un millier en 2022. Est-ce réaliste ?

Dr CLAUDE LEICHER : La Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) n'a pas réalisé de recensement précis. Mais nous savons qu'il y a 200 projets et plusieurs structures qui fonctionnent déjà, dans le Centre ou en Bourgogne par exemple. L'objectif fixé par le chef de l'État peut être concrétisé.

La dynamique des CPTS peut être plus rapide que celle des maisons de santé pluridisciplinaires, à condition que les médecins comprennent qu'ils doivent formaliser ce qu'ils font déjà au quotidien : le travail en réseau, la coordination avec les infirmières, les pharmaciens pour le maintien à domicile ou le suivi des personnes âgées. Ce travail n'est aujourd'hui ni reconnu, ni rémunéré.

Demain, des financements conventionnels seront exclusivement réservés aux CPTS et aux médecins qui s'y engagent. Ne craignez-vous pas que cela se fasse au détriment de la revalorisation des médecins ?

Si c'est le cas, cela veut dire qu'on refuse d'investir dans la médecine libérale. Il faudra rester vigilant ! Le monde libéral mérite une juste rémunération pour les services rendus. Mais en s'organisant mieux, il sera possible de dégager des marges de manœuvre financières pour permettre aux syndicats de négocier la valeur de l’acte médical.

Le plan prévoit de confier des missions prioritaires aux CPTS dont les soins non programmés. Faut-il y voir une reprise en main de l'administration ?

Non. L'enjeu est de savoir comment s'organiser pour répondre aux besoins de santé de la population. Si on veut prendre en charge les soins non programmés, les médecins regroupés en réseau doivent avoir un agenda partagé, une personne pour réguler les appels. Cela nécessite un investissement financier pour équiper les médecins en systèmes d'information et rémunérer les services rendus à la population. Il faut définir un cadre, un cahier des charges avec l'agence régionale de santé et l'assurance-maladie. 

Mais comment inciter les médecins à s'y investir ?

Il faudra de la souplesse et des moyens. L'objectif est d'aider les médecins à se lancer puis de pérenniser la communauté en fonction des services rendus. Nous avons identifié trois phases. Dans la première, les professionnels de santé décident de se rencontrer, de mobiliser d'autres acteurs et de proposer aux ARS un projet de santé. C'est la phase "porteur de projet" qu'il faudra rémunérer à hauteur de 10 000 ou 15 000 euros.

Dans la deuxième phase, le projet est validé par l’ARS selon un cahier des charges que nous allons négocier. Le projet sera financé via le fonds d'intervention régional et le montant sera variable. Dans la troisième phase, la CPTS fonctionne. Son financement sera négocié dans le cadre d'un accord conventionnel interprofessionnel (ACI).

Pour estimer le budget nécessaire, trois critères sont à prendre en compte : le nombre de personnes couvertes dans le territoire ; les besoins de santé spécifiques ; et le nombre de professionnels de santé présents. Quand j'étais président de MG France, j'avais proposé à Nicolas Revel [directeur de la CNAM] de créer un volet territorial à l'accord  conventionnel interprofessionnel (ACI) négocié pour les maisons de santé. Cela semblait naturel.

Emmanuel Macron envisage de rémunérer des professionnels volontaires par un forfait de prise en charge des populations sur leur territoire. Qu’en pensez-vous ?

Ce serait un changement de paradigme ! La rémunération forfaitaire permet de gagner en sécurité grâce à la visibilité de la rémunération. Elle permet aussi de diminuer la pression sur le temps de présence du patient avec le professionnel de santé concerné mais on risque de perdre en productivité. La bonne solution serait probablement de faire une rémunération mixte entre l'acte et le forfait. En tout cas, la Fédération n'interférera pas dans les négociations conventionnelles de chacune des professions. 

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9688