Tsunami du 11 mars 2011

Du sable et du pus dans les sinus

Publié le 23/09/2011
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Crédit photo : AFP

À SON ARRIVÉE, cette femme présente une pneumonie sévère et de multiples lésions, notamment une lacération du pied et des fractures du rachis dorsal. Le scanner de la tête montre, dans les sinus maxillaires et sphénoïdaux, la présence de liquide et de matériel opaque. Malgré un traitement I. V. par l’association tazobactam/piperacilline et gentamycine et l’amélioration de sa pneumonie, sa fièvre persiste et sa protéine C réactive (CRP) reste élevée à 100 mg/l.

On lui fait des lavages des sinus maxillaires sous anesthésie locale. Ce faisant, on recueille du matériel purulent verdâtre et du sable. Étant donné l’état précaire de la patiente, on s’en tient aux sinus maxillaires. Le lendemain, la fièvre décroît, la CRP descend à 51 mg/l puis, au bout de deux semaines, à 7 mg/l. Les cultures de ce qui a été évacué des sinus montrent la présence de Pseudomonas aeruginosa, Proteus vulgaris et Escherichia coli. Étant donné l’amélioration des signes inflammatoires, on décide de surveiller attentivement la patiente sans faire de nouvelle irrigation des sinus.

Mais trois semaines après l’irrigation, apparaissent de sévères maux de tête et la CRP s’élève à 87 mg/l. Le scanner montre la persistance de liquide et de matériel opaque dans le sinus sphénoïdal gauche, alors que les images des sinus maxillaires ont disparu. On procède donc à une irrigation du sinus sphénoïdal gauche par l’ostium. Ce qui permet, là encore, de recueillir du matériel purulent verdâtre et du sable. Après ce lavage, la CRP s’abaisse à 34 mg/l et les céphalées disparaissent. Quand la patiente est revue en avril 2001, elle est dans un état stable.

Sinusite du tsunami.

« Chez cette patiente, expliquent les auteurs de cette observation rapportée dans le " Lancet ", le contenu de haute densité des sinus paranasaux est probablement le sable. Cette caractéristique radiographique, associée à l’infection polymicrobienne, a été appelée " sinusite du tsunami ". On pense que le sable pénètre dans les sinus à travers les ostia grâce à la puissance des vagues et reste dans les sinus de tous ceux qui ont failli se noyer. »

« Chez notre patiente, la microbiologie du contenu des sinus a montré des pathogènes habituels et non habituels dans les infections des voies respiratoires hautes. La présence de bactéries entériques Gram négatif E. coli et Proteus sp pourrait être expliquée par la contamination de l’eau de mer par les égouts. »

Le traitement des victimes de sinusites du tsunami n’a pas été établi en raison de la rareté des rapports sur cette pathologie. « Chez notre patiente, le sable persistait dans le sinus sphénoïdal pendant quatre semaines après le traumatisme ce qui suggère qu’il ne peut pas s’évacuer spontanément. L’irrigation des sinus a été efficace en ramenant le sable et en améliorant la sinusite. »

Shintaro Baba et coll., Lancet du 17 septembre 2011, p. 1116.

 DR EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9010